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Manic: Les secrets de mon père

Photo: EyeSteelFilm Distribution

Dans son émouvant documentaire Manic, Kalina Bertin évoque l’histoire de sa famille.

Dès les premières minutes de ce long métrage qui a beaucoup voyagé dans les festivals, on voit la réalisatrice devant un miroir, sondant sa propre identité. Son frère et sa sœur aînés souffrent de bipolarité, alors qu’elle semble avoir échappé à la fatalité.

«J’ai ressenti de la culpabilité, se rappelle la lumineuse jeune femme, rencontrée au café de la Cinémathèque québécoise. Mais comme j’étais épargnée, je me sentais encore plus responsable d’essayer de trouver une solution.»

Elle a donc fait un film pour y arriver : le film d’une vie. C’est son père, qu’elle n’a plus vu depuis l’âge de cinq ans, qui détiendrait la clé de toutes ses questions. Ce dernier, véritable fantôme devant l’éternel, hante son existence depuis toujours, prenant forme au sein d’une multitude de vidéos maison.

C’est lui qui fait continuellement le pont entre le présent et le passé. Un écho que le montage transmet organiquement. En remontant le fil du temps, Kalina découvre une charismatique figure paternelle qui menait plusieurs vies. Un gourou blessé par son propre sang, qui a légué ses maux à ses descendants.

«Ce qui a causé cette transmission-là est le pouvoir qu’on donnait aux secrets, avance la cinéaste, qui a consacré quatre années à ce projet. Trop souvent, on ne parle pas de maladie mentale, on fait comme si de rien n’était. Ce tabou-là crée tellement de problèmes psychologiques pour les enfants en développement. Et plus tard, dans ta vie d’adulte, tout ça ressort… Déjà en être conscient, c’est beaucoup.»

«La caméra est devenue pour moi une façon de vivre la tempête qu’on avait au quotidien, de comprendre et de donner un sens à la maladie mentale de mon frère et de ma sœur.» – Kalina Bertin, réalisatrice de Manic

Choisir de réaliser un film a permis à Kalina d’imposer une distance à sa souffrance et de conserver quelque chose de ce chaos. Et, évidemment, d’impliquer son frère et sa sœur dans cette aventure afin de mettre les choses en perspective.

Un procédé thérapeutique qui aurait très bien pu lui exploser au visage. «Au milieu du chemin, tu te poses des questions, confie celle qui a été inspirée par la démarche préconisée par Jonathan Caouette pour réaliser Tarnation. Tu t’interroges si tu n’es pas en train de détruire ta famille. Mais à la fin du processus, je me suis rendu compte de tout le bien que ce film avait fait à ceux qui y avaient participé. Ça leur a donné une voix, une quiétude.»

Elle est manifeste chez elle, qui est devenue une cinéaste à suivre de près. «Avoir mis en lumière la vie de mon père m’a permis de créer une scissure entre sa vie et la mienne, assure-t-elle. En apprenant de ses erreurs, j’espère ne jamais marcher dans ses pas. Je pense que sa vie n’a pas besoin de définir la mienne.»

En salle dès vendredi

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