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Marie-Josée Croze: Au nom du cinéma

Photo: AZ Films

Quand Marie-Josée Croze choisit de participer à un projet, elle privilégie toujours le sujet du film plutôt que le rôle. «Parce que c’est le film qui compte au final. Il faut qu’il soit bon. La vie est trop courte pour embêter les gens avec des films ennuyeux!» Aucun risque que cela arrive avec Au nom de ma fille.

«Je suis une adulte qui fait un métier d’enfant, confie Marie-Josée Croze. Mon travail, c’est l’imaginaire, c’est l’évocation. C’est de penser à une image et tout d’un coup, d’être transportée. C’est ça, mon outil principal pour jouer.» C’est aussi, dans le cas d’Au nom de ma fille, du réalisateur français Vincent Garenq, une histoire vraie et tragique dont les événements remontent au début des années 1980.

Dans ce drame, l’actrice née à Montréal incarne une femme qui délaisse un jour «son mari plate et boring», comme elle dit, pour vivre avec un autre homme. Un médecin allemand mélomane, charmeur et ténébreux. Le même qui, quelques années plus tard, sera soupçonné du meurtre de sa fille à elle. Mais dont elle refusera de reconnaître, et même d’envisager la culpabilité. Malgré les preuves qui s’accumulent. Et s’empilent. Et lui sont mises sous les yeux. Pendant des années, elle clamera l’innocence de celui qu’elle aime. Jusqu’à ce que la vérité lui éclate en plein visage. «Je suis toujours inquiète parce que je veux qu’on aime les personnages que j’accepte de jouer, confie la chaleureuse actrice au bout du fil. Même si on leur trouve des défauts, je veux qu’on puisse les comprendre. C’est important pour moi.»

Il est vrai que le personnage qu’elle joue ici est complexe. Mais grâce à la façon dont elle l’interprète, avec la justesse qu’on lui connaît, on voit dans les moindres détails que la souffrance de cette mère en deuil et en déni est entière. Par cette posture de plus en plus courbée qu’elle arbore, par ce regard qui s’éteint, par cette lumière qu’elle dégageait au départ et qui ne brille plus en elle, tout change. «Au début, j’ai construit le côté ensoleillé de cette femme jeune, pleine d’espoir, débordante de vitalité», explique Marie-Josée Croze.

Mais avec les années qui passent à l’écran, une trentaine en tout, la souffrance la décompose. Celle, immense, de perdre sa fille. «Puis d’être trompée par ce pervers narcissique qui l’a un peu tournée en bourrique, remarque l’actrice. Elle est anxieuse, manipulée, sous emprise. À la fin, elle se prend tout dans la gueule. Elle passe d’une vie bourgeoise assez aisée à une décrépitude matérielle, affective, intellectuelle.»

Pendant qu’elle se réfugie dans la solitude et l’exclusion volontaire, son ex-mari, nommé André Bamberski, se démène corps et âme pour que le médecin accusé d’avoir assassiné leur fille se retrouve derrière les barreaux. C’est le combat qu’a réellement mené cet homme qui a tant captivé l’actrice. «Il est allé au bout de son affaire, quasiment seul, alors qu’on le pensait fou. Il est devenu son propre avocat. Cette idée m’a beaucoup plu. Ce que j’aime de ce film, c’est qu’il véhicule un message important. ll dit : battez-vous si vous pensez que vous avez raison!»

Ce père qui n’a jamais reculé dans sa lutte pour que justice soit rendue est incarné par un Daniel Auteuil intense et entier. «Un grand, un immense acteur» que Marie-Josée Croze a retrouvé sept ans après avoir partagé l’écran avec lui dans le drame romantique Je l’aimais, de Zabou Breitman. L’actrice dit que cette réunion professionnelle s’est faite naturellement, dans la joie et la simplicité, malgré le sujet douloureux du récit. «C’est tellement agréable de retravailler avec quelqu’un quand ça s’est bien passé la première fois! s’exclame-t-elle. J’adore ça! On a déjà franchi toutes les étapes de la rencontre, de se demander est-ce que ça clique, est-ce que ça marche. On travaille mieux, on n’a plus besoin de casser la glace, on peut aller plus loin, être encore plus en confiance. C’est tellement génial, j’adorerais faire une liste de tous les gens que j’aime et tourner juste avec eux!»

Cette complicité confirmée donne également lieu à des scènes d’une grande force. Quand le mari découvre la trahison et confronte son épouse; quand les ex se croisent au cimetière où repose leur fille. Des instants vrais, troublants. «On aime toujours quand il se passe quelque chose sur un tournage, confie celle qui a remporté le Prix d’interprétation féminine à Cannes en 2003 pour Les invasions barbares, de Denys Arcand. Parfois, les scènes sont réussies, mais il ne s’est pas nécessairement passé le fameux “moment de grâce”. J’ai calculé et, d’après mes statistiques tout à fait non scientifiques, je dirais que sur un tournage, ça peut arriver à trois ou quatre reprises… Si on est chanceux! Quand la grâce arrive, il y a un moment suspendu. On a l’impression d’avoir livré un cadeau.»

Elle insiste également sur «la seule chose qui compte» pour une actrice. À savoir la sincérité. «Parce que de la bullshit, c’est de la bullshit. C’est quelqu’un qui ment, et ça n’a aucun intérêt. Si moi, tout à coup, je me mettais à jouer comme, je sais pas, Marlene Dietrich, ce serait niaiseux! Chacun doit trouver son identité, être en adéquation avec qui il est pour ensuite être capable de s’abandonner à tous ses rôles.»

Son truc, dit-elle, c’est de «travailler beaucoup sur les métiers». Pour Au nom de ma fille, dit-elle, elle a beaucoup pensé au fait que c’était, justement, «une femme qui n’en avait pas, de métier». «Qu’est-ce que c’est, l’oisiveté? Quand on n’a rien à faire?  À quoi on pense?»

«Ça m’aide beaucoup à construire le personnage, à lui construire une réalité. Je m’accroche toujours à des choses réelles. Je n’invente rien… mais j’invente tout!»

2 nuits, 2 films

Art Marie-Josée Croze encadréEn plus d’Au nom de ma fille, la semaine prochaine, Marie-Josée Croze sera à l’affiche du drame romantique 2 nuits jusqu’au matin. Réalisé par le jeune cinéaste finlandais Mikko Kuparinen, ce film part d’une prémisse toute simple : une architecte française, coincée dans un hôtel lituanien en raison d’un avion retardé, rencontre un DJ beau et branché. Ils passeront une nuit ensemble. Puis deux. C’est fin, et élégant. Et, au final, pas si prévisible que ça. «Il n’y a pas des milliards de beaux rôles pour les femmes. Ça ne court pas les rues! C’est toujours ce qu’on dit : il y a malheureusement plus d’actrices – et de bonnes actrices – que de rôles pour les femmes, observe l’interprète de 46 ans. J’ai été gâtée, vraiment, sur ces deux projets!»

 

Au nom de ma fille
En salle dès aujourd’hui

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