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Une enfance meurtrie par le régime des Khmers rouges

Photo: Vanessa Limoges /TC Media

Il y a 40 ans aujourd’hui, les Khmers rouges prenaient le contrôle du Cambodge et entamaient un génocide par lequel 2 millions de personnes ont trouvé la mort. Parmi eux, les parents de Sophearat Khay, une Cambodgienne d’origine qui s’est réfugiée à Saint-Laurent après avoir vécu sept années sous un régime de terreur. Cette survivante a accepté de raconter son histoire à TC Media: un sombre chapitre de sa vie, qu’elle revisite que très rarement.

Pendant trois heures, Mme Khay raconte le récit douloureux de sa vie sous le régime des Khmers. Les yeux emplis de larmes, elle explique que «la perte est une blessure profonde. On pleure la mort de notre chien, alors imaginez quand on se fait enlever ses parents pour aucune raison».

Le régime
Le 17 avril 1975, la capitale du Cambodge, Phnom Penh, où la famille Khay habite, tombe aux mains des Khmers rouges.

Sous la dictature du dirigeant Pol Pot, toutes traces de modernité est rejetées, le bouddhisme supprimé et les livres brulés.

Tout ce qui existait avant l’implantation de leur régime politique: le Kampuchéa démocratique devait disparaitre des mémoires.

Entre 1975 et 1979, le régime génocidaire de Pol Pot fait 2 millions de victimes, soit le tiers de la population cambodgienne. Le père et la mère de la famille Khay étaient du nombre.

Ils laissent dans le deuil Sophearat et leurs trois autres enfants.

Séparée de ses frères et sœurs, on la force ensuite à aller dans un camp de travail avec des jeunes de son âge.

«La notion de famille avait été abolie, le sentiment d’attachement envers nos frères et nos sœurs ne devait plus exister. Nous devions exister pour le régime. On nous disait quoi faire et notre seule option c’était d’exécuter les ordres», se rappelle-t-elle.

Le matin elle se rendait aux champs de riz, une pioche sur l’épaule et un panier pour transporter la terre à la main.

Pendant quatre ans, les enfants des khmers rouges étaient nourris «de deux cuillères de riz par jour», alors qu’ils travaillaient sans relâche dans les champs et les rizières.

Pour combler sa faim, Sophearat apprend à se nourrir de ce que l’on trouve dans la forêt. «J’ai mangé beaucoup de ce que l’on appelle ici de la pelouse bouillie avec du citron», se rappelle-t-elle en riant.

La fuite
«Par chance», sa tante qui habite la Californie depuis 1973, engage des guides avec l’aide de l’ONU, qui permettent aux quatre enfants de se sauver du régime des Khmers.

Ils traversent alors clandestinement la moitié du pays, pour rejoindre les camps de réfugiés thaïlandais. Séparés de l’un de leur frère au point de départ, ils espèrent se retrouver une fois le périple achevé.

«Un mois passe avant d’apercevoir la frontière thaïlandaise». Pendant ces longues semaines, Sophearat traverse la forêt cambodgienne tantôt à pied, tantôt à bicyclette. Elle traverse des champs de mines et aperçoit au passage «les cadavres de ceux qui ont emprunté le mauvais chemin», raconte-t-elle.

«Un trajet qui se fait aujourd’hui en une demi-journée», lance-t-elle en riant.
Arrivée au camp, elle a attendu pendant «deux longues années» qu’un pays veuille bien l’accueillir.

Le Québec
C’est le 21 septembre 1982, chaussée de sandales, qu’elle fit ses premiers pas sur le sol enneigé de Mirabel. «Je savais que c’était de la neige, mais à mes yeux c’était du coton parce que nos yeux préfèrent voir ce qu’ils connaissent», raconte-t-elle.

Montréal compte aujourd’hui près de 15 000 Cambodgiens sur son territoire, ce qui représente près de la moitié de la population cambodgienne du Canada.

C’est dans les années 80, grâce aux actions menées par Jacques Couture, alors ministre de l’Immigration sous le gouvernement de René Lévesque, que les premiers Cambodgiens arrivent au Québec.

Le ministre Couture qui a lui-même visité les camps de réfugiés avait, lors d’un discours à l’Assemblée nationale, sommé le Québec d’assouplir ses politiques d’immigration.

«L’état dans lequel se retrouvent ceux qui y sont hébergés dépasserait sans doute ce que vous pouvez imaginer. Plusieurs de ces réfugiés doivent la vie à leur volonté tenace de survivre. Peut-on rester indifférent au sort de ces Vietnamiens, réfugiés de la mer, de ces Cambodgiens[…] ? Tous les pays dits développés sont invités par l’ONU à faire un effort, à démontrer qu’en ce siècle de rationalité économique et d’individualisme, il y a encore place pour des objectifs plus nobles, plus dignes de l’homme».

À ce jour, Montréal est toujours une ville clé pour les Cambodgiens.

«Même si je ne comprenais absolument rien quand je suis arrivée ici, Sophearat confie de sa voix douce, je suis maintenant chez moi».

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