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Réflexions sur l’iPhone «Made in USA»

Photo: Maxime Johnson

Le président désigné des États-Unis Donald Trump souhaite convaincre Apple de produire ses iPhone aux États-Unis. Un projet ambitieux, mais tout de même potentiellement réalisable, à condition d’y mettre beaucoup de volonté et l’argent nécessaire. Voici quelques réflexions sur la fabrication de l’iPhone aux États-Unis et sur la relocalisation économique dans son ensemble.

Il faut viser au-delà de l’assemblage
Il faut tout d’abord se demander ce que représente exactement un iPhone « Made in USA ». À sa plus simple expression, le téléphone pourrait simplement être assemblé aux États-Unis. Les composantes seraient alors livrées principalement de Chine à une usine américaine, et des employés et/ou des robots assembleraient les différentes pièces et en assureraient la qualité.

L’intérêt d’un assemblage du genre est évidemment limité. On peut imaginer que l’automatisation nécessaire pour rendre l’assemblage américain concurrentiel à l’assemblage asiatique limiterait le nombre d’emplois ainsi transférés, et l’impact environnemental serait pratiquement nul.

Pour un effet plus important sur l’économie américaine et l’environnement, Apple devrait plutôt transférer une grande partie de sa chaîne d’approvisionnement aux États-Unis également, ce qui serait évidemment beaucoup plus compliqué à orchestrer.

La hausse de prix estimée pourrait être (étonnamment) raisonnable
Des experts ont récemment tenté d’estimer quel serait l’effet de tels changements sur le prix de l’iPhone.

Il est difficile de savoir à quel point ces estimations sont fiables, mais selon le professeur Jason Dedrick de l’Université de Syracuse, cité par le MIT Technology Review, l’assemblage de l’iPhone aux États-Unis pourrait augmenter son prix de production de 30 à 40$ US. En produisant la majorité des composantes de l’iPhone aux États-Unis également, on assisterait à une hausse de tout au plus 100$ US, estime-t-il.

Si ces estimations sont justes – ce dont je doute – il s’agit là d’une hausse quand même raisonnable. Après tout, les consommateurs acceptent déjà de payer leur iPhone 400$ de plus que d’autres très bons appareils. Le prix a un effet sur les consommateurs, mais il s’agit d’un secteur où ceux-ci sont aussi prêts à investir un peu plus pour de la qualité (ou la perception de qualité).

Notons que tous ces calculs ne tiennent pas compte des investissements qui seraient requis pour ouvrir les usines nécessaires, ce qui devrait évidemment aussi faire augmenter les coûts.

L’efficacité de la chaîne d’approvisionnement serait un obstacle majeur
Tim Cook a mentionné l’année dernière que le manque de main-d’œuvre pourrait être un frein au transfert de la production de l’iPhone aux États-Unis. C’est probablement vrai (quoique l’automatisation réduit encore une fois cette embuche).

Un problème plus important pourrait toutefois plutôt être relié à la chaîne d’approvisionnement. L’une des plus grandes forces d’Apple – grâce au travail de Tim Cook avant de succéder à Steve Jobs – est sa capacité à gérer cette chaîne, ce qui leur permet de produire et de livrer des millions d’appareils en un très court laps de temps.

La fabrication de l’iPhone aux États-Unis nuirait grandement à l’équilibre de cette chaîne, surtout au début, et Apple ne pourrait tout simplement plus vendre autant de téléphones en aussi peu de temps que la compagnie le fait aujourd’hui.

Et même avec des composantes fabriquées aux États-Unis, il y a fort à parier que l’efficacité de ces nouvelles usines ne pourrait pas rivaliser, à court terme, avec l’écosystème déjà présent en Chine.

Apple serait donc forcé de mettre en place un très long plan transitoire, qui augmenterait considérablement les coûts et la complexité des opérations pendant plusieurs années.

L’iPhone n’est peut-être pas la meilleure cible
Ce ne sont évidemment pas tous les appareils qui trouvent plus de 10 millions d’acheteurs en une fin de semaine après leur lancement. D’autres gammes de produits pourraient ainsi plus facilement être produites aux États-Unis. Sans aller dans un produit aussi niché que les Mac Pro (qui sont assemblés aux États-Unis), Apple pourrait ainsi débuter par d’autres gammes, comme les ordinateurs iMac.

Il faut aussi dire que les avantages financiers de produire un téléphone aux États-Unis sont pratiquement nuls pour Apple, à l’inverse d’autres types d’appareils électroniques.

Plus les appareils sont gros et lourds, plus une production locale est en effet avantageuse. Les coûts de transport sont réduits, et les détaillants ne souhaitent plus entreposer de grosses boîtes pendant des semaines ou des mois dans des entrepôts. Une production locale permet diminue les frais de transports, tout en facilitant la gestion des inventaires.

C’est d’ailleurs pour ces raisons qu’il y a toujours des fabricants d’électroménagers en Amérique du Nord. La fabrication de produits à haute valeur ajoutée, comme les systèmes audio haut de gamme et les haut-parleurs, se fait aussi souvent dans les pays occidentaux.

À l’opposé d’une télé ou d’un réfrigérateur, des milliers de iPhone peuvent être entassés dans un avion et envoyés d’une usine en Asie pour se retrouver sur les étagères des magasins quelques jours plus tard. Un iPhone fabriqué aux États-Unis n’est donc pas beaucoup plus avantageux pour l’entreprise qu’un iPhone assemblé en Chine ou au Vietnam.

Donald Trump peut bien promettre des incitatifs financiers pour encourager Apple à rapatrier sa production d’iPhone, force est de reconnaître qu’il serait plus efficace de ramer dans le sens du courant et de cibler ses efforts sur d’autres appareils, dont la relocalisation serait naturellement bénéfique à l’industrie (un conseil qui vaut d’ailleurs tout autant pour le Canada).

L’iPhone est un symbole fort, et le fabriquer aux États-Unis pourrait être possible, moyennant beaucoup d’argent et de volonté, mais privilégier le rapatriement de la production de gros ordinateurs tout-en-un, de moniteurs, de téléviseurs, d’électroménagers et d’autres appareils du genre serait beaucoup plus logique.

Mais qui a dit que c’était toujours la logique qui primait dans ce genre de décision?

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