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À la défense des tablettes

Photo: Apple

Les tablettes n’ont plus le vent dans les voiles. Après un départ canon et un enthousiasme sans fin des firmes d’analyses qui voyaient en ces appareils la prochaine grande vache à lait des entreprises technos, force est de constater que ce marché sera probablement plus limité que ce à quoi la plupart s’attendaient. De là à annoncer sa fin ou un manque complet d’intérêt du format, il y a toutefois un pas qu’il ne faudrait toutefois pas franchir. Voici quelques réflexions pour remettre les ventes à la baisse des tablettes en perspective.

Les ventes d’iPad diminuent, mais demeurent fortes

C’est vrai, les ventes d’iPad diminuent. Au dernier trimestre, Apple annonçait une baisse de 19% par rapport à l’année précédente. Cette baisse est systématique depuis 2013, l’année record pour les tablettes.

Les ventes d’iPad demeurent toutefois fortes. Au premier trimestre financier de 2017, Apple a ainsi vendu 13 millions de tablettes, pour des revenus de 5,5 milliards de dollars US. À titre indicatif, l’entreprise a vendu 5,3 millions d’ordinateurs Mac pour des revenus de 7,2 milliards de dollars US.

Bref, il y a une baisse, et les ventes n’atteindront jamais les attentes originales des investisseurs, mais le marché des tablettes demeure important.

Notons que je parle ici surtout des ventes d’iPad (qui représentent environ 24% du marché total), puisque ce sont celles pour lesquelles nous disposons des données les plus fiables, que l’iPad représente bien la définition traditionnelle qu’on se fait d’une tablette et que les parts de marché d’Android sont en deçà de ce qu’elles auraient pu être, notamment à cause d’un écosystème pour tablettes qui n’est toujours pas à la hauteur de son plein potentiel.

Un iPad ne doit pas être renouvelé aussi souvent qu’un téléphone
Plusieurs raisons expliquent la baisse des ventes d’iPad. L’une d’elles est le fait que les tablettes demeurent désormais longtemps performantes. Un iPad Air, lancé en 2013 alors que les ventes étaient à leur sommet, est encore tout à fait convenable aujourd’hui en 2017.

Une tablette se brise moins qu’un téléphone, et un vieux modèle est souvent suffisant pour l’usage simple que les gens en font. Les projections de ventes originales s’attendaient à un taux de renouvellement beaucoup plus grand que ce que l’on observe dans le marché (ce qui est d’ailleurs une bonne nouvelle pour les consommateurs).

Il faut aussi garder en tête que les ventes de tablettes ont atteint un sommet en 2013, mais que le marché partait de zéro. Aujourd’hui, les consommateurs qui veulent une tablette en ont souvent déjà une. Ceci explique donc en partie cela.

Un usage plus limité, mais quand même présent
On ne peut s’attendre à une croissance soutenue comme celle observée au début des années 2010, mais quelle est la place des tablettes dans le marché actuel?

Même s’il est vrai que les grands téléphones intelligents ont cannibalisé une partie du marché, une tablette possède toujours de nombreuses forces : sa taille est plus intéressante qu’un téléphone pour la lecture et pour la consommation de contenu vidéo, son format est plus pratique qu’un ordinateur, etc.

Son intérêt varie toutefois grandement d’un utilisateur à l’autre : certains s’en servent plusieurs heures par jour, d’autres quelques fois par semaine et d’autres ne la sortent jamais.

Cette variation d’usage et d’importance de la tablette pour les consommateurs avait mal été comprise par les analystes, qui imaginaient pratiquement des tablettes dans toutes les pièces de toutes les maisons d’ici quelques années. C’était une erreur qui, avec le faible taux de remplacement de l’appareil, semble teinter le jugement de bien des gens quand vient le temps d’analyser les performances des tablettes.

À titre indicatif, voici comment je terminais pourtant ma critique du premier iPad en 2010 :

À peu près tout le monde pourrait adorer l’iPad, comprendre comment s’en servir et y trouver son compte, que ce soit pour lire des livres, voir des films, jouer à des jeux vidéo ou rester informé.

Ceci dit, la plupart des gens qui risquent d’être intéressés par l’iPad ont déjà une console de jeux vidéo (les joueurs, du moins), un gros téléviseur dans leur salon, un téléphone intelligent pour prendre leurs courriels, des bibliothèques pleines de livres et un ordinateur.

Tout le monde veut l’iPad. Reste à savoir combien de personnes pourront investir environ 700$ pour un appareil qui n’est, somme toute, pas une nécessité.

Sept ans après avoir écrit ces lignes, ma conclusion demeure pertinente. Une tablette n’est pas une nécessité. Le marché total potentiel est difficile à chiffrer exactement, mais il est forcément beaucoup plus petit que celui des téléphones qui, eux, représentent une dépense essentielle pour la plupart des gens. Ce qui ne veut pas dire que le marché des tablettes est nul pour autant.

Il y a beaucoup d’appareils qui ne sont pas essentiels qui connaissent beaucoup de succès. Tant que ce succès est évalué sur une base logique, et non par rapport aux prévisions déraisonnables des analystes enivrés au début des années 2010 par le pourcentage de croissance dans les deux chiffres d’Apple trimestre après trimestre.

Un format qui évolue
Analyser l’avenir des tablettes doit aussi se faire en tenant compte de l’évolution de ces appareils et des ordinateurs portatifs. La tablette est généralement considérée comme une catégorie à part des ordinateurs, mais de plus en plus d’ordinateurs 2-en-1 changent la donne.

La Microsoft Surface Pro est le premier exemple qui vient en tête, mais il y en a beaucoup d’autres. Avec le système d’exploitation Windows 10, l’émergence des applications universelles, les claviers détachables de plus en plus efficaces et l’arrivée de technologies permettant la gravure de processeurs puissants et peu énergivores, la différence entre les ordinateurs et les tablettes est de plus en plus floue. Et cette tendance risque de s’accentuer au cours des prochaines années, tant dans l’écosystème d’Apple que celui de Microsoft.

Notons au passage que l’absence d’une version Windows 10 de La Presse + est d’ailleurs de plus en plus difficile à expliquer.

Les tablettes et les ordinateurs vont certainement continuer d’évoluer, ce qui risque de rendre ce débat caduc d’ici quelques années. Mais pour le plaisir de débattre, même en les considérant uniquement dans leur forme traditionnelle, l’intérêt des tablettes demeure bien réel.

Reste à savoir combien de personnes peuvent investir environ 700$ pour un appareil qui n’est, somme toute, pas une nécessité.

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