Travail autonome: s’incorporer ou non?
S’incorporer ou non, c’est l’éternel dilemme qui taraude le travailleur autonome débutant. Certains ne jurent que par l’incorporation, d’autres sont plus frileux. Voici quelques clés pour déterminer si le «inc.» en vaut la peine.
Même si un travailleur autonome enregistré sous son nom personnel ne bénéficie pas des mêmes protections et avantages qu’une société par actions, le passage vers celle-ci ne devrait pas se faire automatiquement. «On peut passer d’une entreprise individuelle à une société par actions à tout moment sans problème, mais je ne conseille pas à mes clients de s’incorporer immédiatement», explique Michel Tétreault, associé fiscaliste chez Lemieux Cantin.
Selon lui, le bon moment pour s’incorporer est habituellement celui où «le travailleur autonome génère un bon revenu, mais qu’il n’a pas besoin de tout cet argent pour vivre.»
Fiscalité avantageuse
Les avantages fiscaux de l’incorporation sont indéniables: une entreprise incorporée est moins imposée qu’un travailleur autonome en tant qu’individu.
Sur la première tranche de 500 000 $ de revenu de l’entreprise, le taux d’imposition était de 19 % en 2015. Même s’il grimpera de quelques points en raison de changement fiscaux décrétés par le provincial, cela demeurera beaucoup moins que les quasi 50 % imposés aux particuliers plus fortunés!
La compagnie est avantageuse lorsqu’on l’utilise pour réaliser un gain fiscal. L’argent économisé est mieux investi dans l’entreprise qu’à l’extérieur de celle-ci, car il pourra fructifier davantage. «Si le travailleur autonome compte utiliser son entreprise comme moyen de conservation du patrimoine, il fera mieux de s’incorporer. S’il sort trop d’argent de la compagnie, il n’y a plus d’avantage fiscal», fait valoir Marc Gélinas, avocat et président fondateur de Jurismedia.
Selon lui, sous les 100 000 $ de revenus, l’incorporation ne vaut pas la peine, mais cela dépend de la capacité d’épargne de chacun.
Une meilleure protection
«Trop souvent, on met l’accent sur les avantages fiscaux, mais pas assez sur les avantages de ne pas perdre sa maison en cas de difficulté», rappelle Marc Gélinas.
Grâce à l’incorporation, la responsabilité personnelle du travailleur autonome est protégée en cas de faute ou de problème important. «Si la compagnie est poursuivie, le pire qui peut arriver est de déclarer faillite, mais on n’y perd pas sa maison», explique Marc Gélinas.
Si l’entreprise grossit et doit engager des employés, cette protection couvre également leurs agissements dans le cadre du travail.
Paperasse et dépenses
De l’avis de plusieurs experts, le principal désavantage de la société par actions est son coût. Les frais d’incorporation avoisinent les 1 500 $, mais ne sont exigés qu’une seule fois. Une société par actions exige ensuite une tenue de livres et des états financiers distincts, ce qui entraîne plus de paperasse administrative et des coûts supplémentaires.
«Pour s’incorporer, on doit compter des frais initiaux de 3 000 $, estime Michel Tétreault. Il faut ensuite calculer de 1 500 $ à 3 000 $ pour les frais de comptabilité et de planification financière annuellement.» Mieux vaut toutefois laisser entre les mains d’un bon comptable la gestion des activités financières de l’entreprise, afin d’éviter une erreur qui mettra le fisc à ses trousses.