La Ville de Montréal néglige la lutte contre le racisme en n’admettant pas son caractère systémique à l’intérieur de ses institutions, dénonce un rapport de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) rendu public aujourd’hui.
Après deux ans de travaux, la Commission sur le racisme et la discrimination systémique dans les compétences de la Ville de Montréal constate que «la lutte contre le racisme et la discrimination a été négligée» et que «le caractère systémique de ces phénomènes n’est pas reconnu» par les instances municipales.
Elle demande donc à l’administration de la mairesse Valérie Plante de «reconnaître publiquement et dans les plus brefs délais, le caractère systémique du racisme et de la discrimination et de s’engager à les combattre».
Le rapport qualifie d’«éparse» l’action de la Ville contre le racisme, invoquant notamment le partage de responsabilités entre différentes structures comme le Contrôleur général, l’Ombudsman et le Service de la diversité et de l’inclusion sociale, et ce, «sans qu’une vision transversale ne se dégage».
La commission déplore également qu’il n’y ait aucun «pendant administratif ni un pendant politique […] responsable et imputable de l’atteinte de résultats».
Parmi ses 38 recommandations, la commission présidée par Maryse Alcindor et Ariane Émond demande donc la création d’un poste de commissaire à la lutte au racisme et à la discrimination d’ici octobre 2020.
Profilage racial
En matière de profilage racial et social, le sujet le plus discuté (32%) lors des audiences, les commissaires indiquent qu’il s’agit d’une problématique connue et largement documentée, mais qui tarde toujours à être reconnue par l’état-major du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
La commission se dit également «vivement préoccupée» par le flou entourant le traitement des plaintes de racisme et de discrimination à la Ville de Montréal et dans les organismes paramunicipaux, dont le SPVM.
Entre autres recommandations, la commission suggère que le SPVM procède à une mise à niveau de ses formations afin d’intégrer des «notions propres au profilage racial et social ainsi qu’à l’antiracisme» à tous les policiers d’ici la fin du présent mandat du directeur actuel, Sylvain Caron.
Elle demande aussi qu’on interdise, sous peine de sanctions, les interpellations policières fondées sur « la race, la couleur, l’origine ethnique ou nationale, la religion et la condition sociale».
Faute de données, la commission ne se prononce pas sur l’utilisation de caméras corporelles sur les policiers, mais estime que «la Ville doit prendre en considération les motivations incitant la population et les groupes communautaires à demander ces caméras».
Elle encourage toutefois l’administration à mener «une analyse éthique et criminologique» avant que le SPVM n’adopte une telle technologie.
Constats
La commission dresse aussi plusieurs constats alarmants en matière d’accès à l’emploi, de culture, de pauvreté, d’aménagement du territoire, de logement et de participation au processus démocratique.
Par exemple, la Ville n’a engagé aucun cadre de direction s’identifiant aux catégories «minorité visible», «minorité ethnique» ou «autochtone» de 2016 à 2018. Durant la même période, seulement 2% des cadres en poste s’identifiaient à ces catégories.
La commission souligne également que le plan d’action de la Ville pour la diversité en emploi 2016-2019 «n’inclut ni cibles, ni échéancier, ni diagnostic des différents obstacles auxquels font face les groupes marginalisés.»
La commission souligne également le manque de représentativité et d’inclusion des personnes racisées dans les activités culturelles sous la direction de la Ville.
Le conseil municipal ne reflète pas non plus la réalité sociodémographique de Montréal, où plus du tiers (34,9% en 2016) s’identifient comme appartenant à une minorité visible ou à un groupe autochtone.
La commission recommande aussi que la Ville de Montréal se fixe des cibles contraignantes de représentativité pour les conseils d’administration des instances et organismes où elle détient un pouvoir de nomination.
Elle demande qu’au minimum, le tiers des postes soient pourvus par des personnes racisées ou autochtones.
Mise sur pied à la suite du dépôt d’une pétition contenant 22 000 signatures, la commission a été menée par le Service de la diversité et de l’inclusion sociale de la Ville.
Plus de 7 000 participations ont été enregistrées de façon physique ou virtuelle.
La mairesse Valérie Plante réagira lundi matin au contenu du rapport.