La santé mentale est un sujet tabou chez les agriculteurs, pourtant la détresse est en hausse depuis quelques années. En plus du nombre d’intervenants restreint, il est difficile d’atteindre les personnes qui auraient besoin d’aide.
Plusieurs facteurs contribuent au stress: endettement, pénurie de main-d’œuvre, météo de plus en plus changeante et maintenant, les impacts de la COVID-19.
«On parle souvent d’entreprises familiales, donc il peut y avoir des tensions, souligne Pierrette Desrosiers, psychologue spécialisée en milieu agricole. Tout ça, c’est sans compter les problèmes que tout le monde peut avoir, parce que ce sont des humains, eux aussi.»
Il n’y aurait pas assez de ressources spécialisées. «La santé mentale, c’est l’enfant pauvre quand il vient le temps d’investir», explique Mme Desrosiers.
L’Union des producteurs agricoles (UPA) offre le service de travailleurs de rangs, qui font de l’intervention sociale dans une démarche préventive. Elle peine cependant à pourvoir les postes.
«On aimerait ça en avoir un peu plus, mais c’est difficile de recruter au niveau agricole», affirme André Marleau, administrateur au syndicat de l’UPA de Vaudreuil-Soulanges.
Isolement
Le problème est d’autant plus grand considérant l’isolement de certains producteurs. «Il y en a certains qui vivent seuls pour s’occuper de leur ferme et qui sortent juste une fois par semaine pour faire leur épicerie», avance Marc-André Isabelle, copropriétaire de la ferme La Belle de Coteau-du-Lac.
Pour y faire face, l’UPA mise également sur des sentinelles. Il s’agit de membres de la communauté qui peuvent signaler des cas de détresse psychologique.
Mais le sujet demeure tabou «On en entend surtout parler quand il y a des évènements malheureux qui se produisent, affirme M. Isabelle. Très peu en parlent ouvertement.»
L’âge des agriculteurs peut aussi être un enjeu pour la prévention. «Il y en a encore qui vont très peu sur Internet, continue-t-il. Donc c’est difficile de les rejoindre.»
Le confinement a aussi ajouté un défi supplémentaire. Bien que le travail sur la ferme ou dans les champs n’a pas arrêté, les agriculteurs ont aussi été affectés.
«Que ce soit d’avoir à s’occuper d’un enfant qui ne peut plus aller à l’école ou des ventes de moins à cause de la fermeture des restaurants, il y a eu un impact, affirme Pierrette Desrosiers. La pandémie est comme venue exacerber la fragilité qu’il y avait déjà.»
Investissements
C’est d’ailleurs pour cette raison que l’UPA cherche à engager plus de travailleurs de rangs. «Pour une année normale, on était correct avec notre effectif, mais cette année, la demande est plus grande», explique André Marleau.
Mais pour Pierrette Desrosiers, la solution passe par la formation et la sensibilisation. «Il faut qu’on investisse pour spécialiser des psychologues au milieu agricole, affirme-t-elle. Avec plus de ressources, ce sera plus facile d’être proactif.»
D’ici à ce que cela se produise, Mme Desrosiers fait ce qu’elle peut en présentant des conférences virtuelles sur la gestion du stress dans le domaine agricole.