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Retour en classe et Covid-19: doit-on s’inquiéter ou se rassurer?

Droits enfants
Joanna-Trees Merckx, Dimitri Van der Linden et Jay Kaufman - La Conversation

Le retour en classe s’effectue au Québec alors qu’on apprenait la semaine dernière que la COVID-19 frappait de plus en plus les enfants. Une augmentation de 56% des infections a été recensée chez les 0 à 11 ans, selon le bilan hebdomadaire de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux. Que faut-il savoir au sujet de cette rentrée 2021?

Par Joanna-Trees Merckx, McGill University; Dimitri Van der Linden, Université catholique de Louvain et Jay Kaufman, McGill University

Une deuxième rentrée scolaire en temps de pandémie s’est déroulée cette semaine. Bien que nous ayons beaucoup appris sur la Covid-19 et les moyens de limiter sa propagation, la circulation de nouveaux variants préoccupants et plus particulièrement du Delta soulève des questions.

Les parents, les décideurs et les administrateurs scolaires se demandent comment la société peut faire les meilleurs choix, ajuster les interventions et accroître les chances que les enfants, de la maternelle à la cinquième secondaire, puissent s’épanouir et rester en bonne santé physique et mentale tout en suivant leurs cours en personne.

Aucun vaccin n’ayant encore été approuvé pour les enfants de moins de 12 ans, il sera crucial de prendre les décisions de manière réfléchie et en fonction de l’épidémiologie locale et de la couverture vaccinale.

1. Comment les variants du SARS-CoV-2 se propagent-ils dans les écoles?

La recherche démontre que la transmission dans les écoles dépend de la transmission communautaire.

Le Royaume-Uni est le seul pays à disposer de bonnes données sur la transmission dans les écoles alors que le variant Delta était la souche dominante en circulation.

Des infections par le variant Delta ont été détectées chez des élèves britanniques, mais cela n’a pas conduit à un nombre élevé de cas. Seul 0,27 % des élèves des écoles primaires ont reçu un résultat positif, contre environ 1 % pendant la période hivernale.

Au Québec, où se déroulent certaines de nos recherches épidémiologiques, 94 % des écoles ont signalé des cas en avril 2021.

Un survol des études mondiales (qui n’ont pas toutes fait l’objet d’un examen par les pairs), dont les données ont été recueillies après janvier 2021, semble indiquer qu’il y a eu de la transmission dans les écoles et les garderies du monde entier. Les nombreuses mesures de prévention, telles que le port du masque, le regroupement par cohortes, l’annulation des activités à risque, la distanciation, les protocoles d’hygiène, la réduction des groupes et l’amélioration de la ventilation, ont toutefois freiné la propagation.

Des enfants et des adultes ont été des cas primaires dans les écoles – ce qui signifie que les enfants et les adultes peuvent être les premiers dans un environnement donné à transmettre l’infection à d’autres personnes. Une bonne façon de calculer et de comparer la façon dont l’infection se propage à partir des cas primaires est d’étudier le « taux d’attaque secondaire » (le nombre de nouveaux cas qu’un cas initial infecte, pour 100 individus exposés) et de rapporter ce taux séparément pour les enfants et les adultes. Le taux d’attaque secondaire peut également être comparé entre différents lieux.

Il arrive souvent que des enfants infectés ne soient pas diagnostiqués, car ils n’ont pas été testés. Les études dans le cadre desquelles on a testé des écoliers au hasard n’ont pas décelé de transmission silencieuse généralisée parmi les enfants et les adultes des écoles concernées.

Les études de séroprévalence, dont une étude canadienne de Vancouver qui n’a pas fait l’objet d’un examen par les pairs, ont permis d’étudier la présence d’anticorps post-infection et ont montré que les enfants qui suivaient leurs cours en personne avaient généralement été infectés au même taux que les autres groupes de leur collectivité.

Les éclosions dans les écoles ont été étudiées et rapportées par les chercheurs et les médias. Il peut être difficile d’identifier l’origine d’une éclosion et de sa transmission lorsque de nombreux cas sont diagnostiqués en même temps, et sans une véritable enquête. Dans l’ensemble, les enfants qui ont été en contact avec un membre de la famille infecté présentent le plus grand risque d’infection. Les éclosions de SARS-CoV-2 peuvent être liées à des phénomènes de superpropagation, mais, à notre connaissance, aucun événement de ce type n’a été attribué à un jeune enfant.

Les études de population permettent d’estimer que le variant Delta est deux à trois fois plus contagieux que la souche sauvage et 50 % plus transmissible que le variant Alpha.

2. Comment les écoles freinent-elles la propagation des variants et réduisent-elles la transmission par voie aérienne dans les écoles?

La mise en place de directives et de mesures de contrôle des infections est cruciale pour réduire le risque de transmission dans le milieu scolaire.

Pour limiter la propagation du SARS-CoV-2, les épidémiologistes s’appuient sur une approche à plusieurs niveaux qui comprend la détection rapide des symptômes et le dépistage, la réduction des contacts directs et la distanciation, la diminution des contacts et des rencontres, la ventilation, le port du masque, les pratiques d’hygiène et la vaccination. Cette méthode est également appelée «modèle du fromage suisse» de la prévention des infections, où chaque mesure supplémentaire freine la transmission si le virus a réussi à échapper aux mesures précédentes.

Une étude, qui n’a pas encore été évaluée par des pairs, estime que cette approche à plusieurs niveaux est nécessaire pour maîtriser la transmission du Delta dans les écoles de la maternelle à la 5e secondaire, tout comme l’indiquent d’autres recherches sur la propagation dans les milieux universitaires.

Cependant, les mesures doivent être adaptées à l’épidémiologie locale et à la couverture vaccinale, et leur applicabilité doit être testée (par exemple : la distanciation est-elle possible avec de jeunes enfants ?).

On devrait accorder moins d’attention à la désinfection et au nettoyage, car la transmission par les surfaces ou les objets est peu probable. Le degré auquel les règles de distanciation réduisent le risque de transmission dépend des autres mesures en place (comme le port du masque et la ventilation) et de l’occupation de l’espace.

L’accent est désormais placé sur la qualité de l’air et la ventilation dans les salles de classe. Certaines écoles ont modifié la qualité des filtres à air qu’elles utilisent dans les systèmes mécaniques ou distribué des filtres HEPA portables. D’autres se sont engagées à installer des lecteurs de dioxyde de carbone.

3. Les écoles devraient-elles procéder au dépistage de la Covid-19 chez leurs élèves?

Le port du masque fait toujours partie des directives dans les écoles de nombreuses provinces canadiennes, dont le Québec. Des groupes de parents et des militants de l’Alberta ont critiqué la décision de la province de ne plus l’imposer dans les écoles.

En raison du manque de données sur l’utilisation et l’efficacité des masques chez les jeunes enfants, leur port n’a pas été instauré de manière uniforme en Europe et au Royaume-Uni lorsque la pandémie a frappé le plus durement en 2020-2021.

Il est difficile de mesurer l’incidence du port du masque en milieu scolaire. Nous savons cependant que chez les adultes, il réduit les cas de Covid-19 ainsi que la mortalité. Les masques sont un outil puissant contre la transmission, mais son imposition n’est pas une mesure suffisante.

Les masques protègent également les enfants contre d’autres infections respiratoires, qui ont recommencé à circuler depuis le printemps. Ils peuvent réduire la propagation de nombreux autres virus et diminuer le nombre de jours d’école manqués en raison de symptômes impossibles à distinguer de ceux de la Covid-19 et qui engendrent dépistage et quarantaine.

Les tests ont été utilisés pour diagnostiquer des cas dans les écoles, dans des enquêtes épidémiologiques, pour orienter la quarantaine et à titre préventif. Ils peuvent servir, par exemple, à réduire la durée de la quarantaine. On peut aussi les utiliser pour empêcher les élèves et les enseignants d’aller à l’école lorsqu’ils sont contagieux.

Un dépistage régulier, répété une ou deux fois par semaine, a servi de couche supplémentaire de protection. Cependant, cela représente une charge et des coûts importants, surtout lorsque l’incidence communautaire est faible et que seul un petit nombre de cas peut être détecté. Une option plus réaliste serait de choisir au hasard quelques écoles pour surveiller la circulation virale d’un bout à l’autre du pays.

Que le dépistage soit utilisé à titre préventif ou à des fins de diagnostic, il est essentiel que les échantillons soient recueillis d’une manière adaptée à l’enfant, par exemple en utilisant des échantillons prélevés par gargarisme, par crachat ou par la salive. De plus, les tests doivent être facilement accessibles pour le reste de la famille, et les résultats doivent être communiqués rapidement pour réduire le temps d’incertitude.

Le type de tests mis à la disposition des enfants doit présenter peu de faux positifs, afin de ne pas isoler des enfants qui ne sont plus porteurs du virus.

Une autre préoccupation concerne les situations où des enfants reçoivent un faux résultat négatif (ils sont en fait positifs). Ces deux erreurs de dépistage ont un effet perturbateur et causent des dommages. Ce qu’il faut, c’est un dépistage facile, accessible et fréquent, avec un test à la sensibilité modeste, mais qui est hautement spécifique.

La vaccination est toutefois la méthode directe et durable la plus efficace de prévenir les maladies infectieuses. La vaccination obligatoire et les initiatives qui encouragent la vaccination dans les écoles de tous ceux qui y sont éligibles – enseignants et enfants plus âgés – semblent constituer les stratégies les plus valables pour diminuer la transmission.

4. Quelles sont les meilleures mesures de prévention et de contrôle des infections dans les écoles?

L’ensemble des pratiques de prévention décrites dans la question n°3 sont déployées dans la plupart des pays. Il existe cependant de grandes différences dans leur degré de déploiement, les méthodes utilisées, la coordination, la communication, l’évaluation de leur mise en œuvre et de leur faisabilité.

Le Canada est un des pays qui a eu la chance de faire une campagne de vaccination de masse à grande échelle. Ce n’est pas le cas partout dans le monde.

De nombreux pays ont élaboré des directives pour les mesures de prévention et de contrôle des infections, souvent prescrites par la santé publique et les ministères de l’Éducation.

Les conseils des associations de pédiatres et de leurs experts ont été intégrés dans certaines lignes directrices. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies donne un aperçu des lignes directrices pour freiner la maladie, tout comme les Centres de contrôle et de prévention des maladies aux États-Unis et l’Organisation mondiale de la santé.

Le gouvernement du Canada a publié un document d’orientation, tandis que les provinces fournissent les directives locales.

Même dans des pays européens voisins comme la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, les mesures diffèrent. Au Luxembourg, les masques sont obligatoires à l’école primaire, sauf si les élèves sont assis à plus d’un mètre et demi les uns des autres dans les classes, ce qui est faisable, car il y a un maximum de 15 à 18 élèves par groupe. Les masques sont obligatoires à tout moment dans les écoles primaires en France, mais pas en Belgique ni aux Pays-Bas. Les règles de quarantaine ne sont pas les mêmes dans ces pays.

Évidemment, les recommandations des experts ne correspondent pas toujours aux décisions politiques.

Cet automne, les décideurs et les responsables scolaires doivent continuer à déployer des mesures préventives dans les écoles de manière équitable. Les parents, les enfants plus âgés et tous les membres de la collectivité qui ont droit au vaccin ont un rôle à jouer en s’assurant de l’obtenir. Ils peuvent également écouter les voix et les expériences des enfants qui commencent une année scolaire difficile – et chercher à comprendre comment ils peuvent veiller à leur santé et à celle des autres.

Joanna-Trees Merckx, Lecturer, Department of Epidemiology, Biostatistics and Occupational Health, McGill University; Dimitri Van der Linden, Clinical professor, Pediatric Department, Université catholique de Louvain et Jay Kaufman, Professor, Department of Epidemiology, Biostatistics and Occupational Health, McGill University

La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.

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