Une menace de grève de près de 100 infirmières qui travaillent à l’urgence de Maisonneuve-Rosemont (HMR) vient compliquer encore plus le quotidien déjà insoutenable de cet hôpital.
Dans une pétition, révélée par Radio-Canada et dont Métro a obtenu copie, 92 des 113 travailleuses de l’unité d’urgence réclament la démission de la cheffe d’unité. Exténuées par au moins 80 Temps supplémentaires obligatoires (TSO) en quatre jours, la fin de semaine dernière, les infirmières reprochent aussi à celle-ci de «n’avoir rien mis en place depuis son arrivée pour tenter de retenir son personnel.»
«La situation est telle que dès que tu arrives là, tu n’as juste qu’une idée en tête: c’est de partir de l’urgence. C’est trop difficile », témoigne Joséphine (nom fictif par crainte de représailles), infirmière d’origine haïtienne qui y a travaillé seulement pendant quatre jours. «Après, je suis partie en courant», dit-elle en entretien au journal.
Fedeline (un autre nom fictif) estime que «c’est agressant à la limite» les demandes de TSO faites par les responsables.
Ils vont te le demander plusieurs fois alors que tu as dit non. Ils vont vous dire que tu es la prochaine sur la liste, etc..
Fedeline, infirmière qui travaille à temps partiel à l’urgence de Rosemont.
Elle refuse de faire du plein temps en raison, justement, du nombre de TSO qu’on exige à celles qui le font. «C’est violent le TSO », souligne le président du Syndicat des professionnelles en soins de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, Denis Cloutier.
Dubé fait «un peu de politique»
«C’est tous les jours qu’on leur impose cela et c’est de leur annoncer qu’elles ne pourront pas aller chercher leurs enfants à la garderie, qu’elles vont manquer un souper en famille», dénonce le syndicaliste en entrevue avec Métro.
Interrogé, cette semaine, sur le cas de HMR, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a dit constater que cet hôpital avait le plus de «difficultés à implanter des mesures» dans le cadre du recours au TSO. Il se demandait même: pourquoi c’était comme cela à Rosemont alors qu’une trentaine d’autres établissements de santé au Québec avaient réussi à le faire?
Il y a une culture de gestion dans l’est de Montréal qu’il faut changer, mais au-delà de ça, le ministre Dubé, je trouve qu’il fait un peu de politique.
Denis Cloutier, président du Syndicat de l’est,
«La pénurie frappe partout, ajoute M. Cloutier, moi, j’aimerais bien avoir les chiffres des autres hôpitaux, j’ai les chiffres pour l’est, et on a perdu beaucoup d’employés à cause du TSO, il reste très peu de monde. »
Ce qu’elles reprochent dans la pétition
«L’équipe complète d’infirmières et d’infirmières auxiliaires de l’urgence de l’hôpital exige la démission immédiate de notre cheffe d’unité […] sans quoi nous nous engageons à remettre notre démission.»
«Nous lui reprochons de n’avoir rien mis en place depuis son arrivée pour tenter de retenir son personnel. Son manque de soutien, d’écoute et d’empathie envers l’équipe contribue à générer une ambiance toxique et des conditions de travail inhumaines.»
« Depuis sa nomination à ce poste en juillet dernier, on note une dégradation fulgurante de nos conditions de travail. Le nombre de TSO est en constante croissance et cela encourage les membres de notre équipe à quitter, créant ainsi des conditions de travail plus que déplorables.»
Le CIUSS n’a pas voulu réagir à cette sortie des infirmières. Le taux d’occupation des civières à l’urgence de HMR frôlait les 141 % au cours de la dernière semaine. Cet hôpital est l’un des plus vétustes de la province. En août 2021, le gouvernement du Québec avait annoncé l’autorisation du projet de modernisation de l’hôpital. Le projet consiste en la reconstruction de plusieurs secteurs actuels de l’hôpital et son agrandissement, et ce, à même le présent site.
Il permettrait d’augmenter considérablement la capacité d’accueil de l’infrastructure hospitalière, qui passera de 544 à 720 lits. Cette phase représente un investissement de 2,5 milliards de dollars mais pourrait durer entre 11 à 13 ans.