Élections

Quel sort réserve François Legault à la Ville de Montréal?

François Legault lors de son discours de victoire.

François Legault.

Les élections provinciales ont refondu le paysage politique de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Désormais, la carte montréalaise est parsemée de rouge libéral et d’orange solidaire. Bien que, sur l’île de Montréal, les caquistes aient seulement conservé la circonscription de Pointe-aux-Trembles et ravi Anjou–Louis-Riel aux libéraux, ils ont en revanche fait beaucoup de gains aux alentours de la métropole, ce qui isole cette dernière dans un océan de bleu caquiste.

Une autre victoire déterminante de la CAQ est celle de Suzanne Roy dans la circonscription de Verchères. Devant ce constat, quel sort réserve le premier ministre Legault à l’île de Montréal?

Montréal isolée plus que jamais

Pour la professeure associée au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’ESG-UQAM, Danielle Pilette, ces élections vont avoir un impact majeur sur l’avenir de la métropole, à commencer par son isolement.

«Le premier ministre va pouvoir faire beaucoup pour la métropole, mais à l’extérieur de l’île, et isoler en quelque sorte la mairie de Montréal du reste de la communauté métropolitaine, dit-elle. Il va se produire probablement un genre de fracture qui va emporter les municipalités comme Laval […] parce qu’elles sont représentées par la CAQ en très grande majorité maintenant pour leur territoire, donc elles vont adhérer au parti au pouvoir.»

Selon Danielle Pilette, le premier ministre risque de poursuivre la déconcentration des fonctionnaires et des investissements vers Québec et les régions.

Il ne va pas faire fi de la métropole, il va soumettre la métropole.

Danielle Pilette, professeure associée au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’ESG-UQAM

L’élection de Suzanne Roy dans Verchères pourrait avoir un effet catalyseur. Cette dernière a par le passé été mairesse de Sainte-Julie et présidente de l’Union des municipalités du Québec (UMQ). Pour Danielle Pilette, François Legault pourrait aussi soumettre la métropole en scindant le ministère des Affaires municipales et de l’habitation. Il pourrait ainsi nommer Mme Roy comme ministre des Affaires municipales.

«Les pressions pour l’île de Montréal vont venir probablement du gouvernement du Québec et aussi des municipalités des couronnes métropolitaines parce que ces villes-là vont s’identifier davantage à Mme Suzanne Roy qu’à la mairesse de Montréal, dit-elle. Quelle que soit la modalité qu’il va prendre, il va tenir compte de la position de faiblesse du parti au pouvoir de Montréal dans certains dossiers, notamment dans le dossier d’habitation sociale […] et de la sécurité publique.»

Depuis 2018, la mairesse de la Ville de Montréal, Valérie Plante, siège à titre de présidente de la CMM.

Plus d’exigences venant de Québec

Pour Mme Pilette, le gouvernement Legault risque de se montrer «assez inflexible» sur certaines demandes de la métropole, comme celle du REM, et ainsi soumettre la Ville à plus d’examens. Prochainement, il devra aussi donner son accord quant à la nomination du prochain directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

«Les grands équipements structurants qui sont sur l’île de Montréal risquent de s’enliser dans l’attente et les grands équipements structurants qui sont à l’extérieur de l’île de Montréal, mais dans la Communauté métropolitaine de Montréal, risquent de connaître une accélération, mentionne-t-elle. Un projet de REM sur la Rive-Sud pourrait arriver plus rapidement que le REM de l’Est, qui risque de s’enliser en longueur.»

Danielle Pilette s’attend aussi à ce que le financement du Pacte vert demandé par les municipalités, notamment par Montréal, se concentre davantage vers les villes en région qui en aurait plus besoin.

Le nouveau rôle de contre-pouvoir de Montréal

Face à une percée des libéraux et des solidaires sur l’île de Montréal, la Ville peut désormais se placer comme contre-pouvoir. Avec sa richesse économique provenant de son marché immobilier et son désir de diversifier ses sources de revenus, Montréal pourrait aspirer à devenir un réel «gouvernement de proximité» afin de donner plus de services à la personne.

«Plus que jamais la Ville de Montréal va jouer un rôle de contre-pouvoir par rapport au gouvernement du Québec, explique Danielle Pilette. La Ville de Montréal devient un contre-pouvoir par rapport au pouvoir national. Elle a une population distincte, plus internationale, plus jeune, avec des valeurs distinctes.»

Selon la professeure, en diversifiant ses revenus au-delà de la taxe foncière, la Ville de Montréal pourra s’autofinancer et mettre en place ses propres programmes adaptés à ses besoins. Avec sa stabilité financière, l’administration Plante peut ainsi se permettre plus de confrontation avec Québec.

«Certaines métropoles […] se voient comme de véritables gouvernements qui donneraient des services aux personnes et donc qui se financeraient autrement que par l’immobilier, dit-elle. La Ville de Montréal, avec cette administration-là, ne souhaite pas avoir une valorisation de l’immobilier qui génère son assiette fiscale, elle voudrait être dégagée de ça pour pouvoir […] faire autre chose que des services à la propriété et devenir un genre de gouvernement à la personne.»

En règle générale, les villes québécoises ont un impact très limité sur les services à la personne. Ces derniers sont principalement régis par Québec.

«La Ville de Montréal et la Ville de Québec se disent “nous, on voudrait officialiser notre rôle de contre-pouvoir par rapport au gouvernement”, donc avoir les pouvoirs d’un gouvernement, s’occuper moins de l’immobilier […] et s’occuper d’autre chose pour concurrencer le gouvernement», explique Danielle Pilette.

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