Le chef de la Coalition Avenir Québec, François Legault, espère frapper un grand coup avec le dévoilement de son « plan de décongestion » pour la grande région de Montréal. Prolongement du REM vers les banlieues nord et sud, aménagement d’un tramway vers l’est et allongement des autoroutes 19 et 13 figurent au nombre des promesses présentées à quelques mois des prochaines élections provinciales.
Un gouvernement caquiste élu prévoit des investissements de 10 milliards d’ici 2030, un plan déployé sur 3 axes : l’amélioration du transport collectif, la mise à niveau du réseau routier et l’exploitation des technologies intelligentes. Un plan « ambitieux et nécessaire » après « le bilan négatif de 15 ans de règne libéral », selon François Legault.
Du transport collectif tous azimuts
Aux habitants de l’est de Montréal, « les grands oubliés, des citoyens mal desservis », selon M. Legault, on promet d’aménager un tramway qui irait de la pointe de l’Île, jusqu’au centre-ville, avec un embranchement vers le nord menant jusqu’au Cégep Marie-Victorin.
L’ambitieux plan prévoit le prolongement du REM, de Brossard jusqu’à Chambly sur la rive sud et jusqu’à Laval sur la rive Nord. On prévoit également une mise à l’étude d’une phase ultérieure d’expansion de Brossard jusqu’à Boucherville et Sainte-Julie, ainsi qu’une expansion est-ouest sur l’emprise de l’autoroute 40.
Sur la rive sud, on promet aussi un tramway de 6,5 km sur le Boulevard Taschereau, de Longueuil à Brossard, incluant une interconnexion au REM. Une mise à l’étude d’un prolongement de la ligne jaune, en partie en surface le long du boulevard Therrien, est également prévu.
Un projet déjà annoncé, le SRB sur le boulevard Pie IX, figure également parmi les « solutions » proposées par François Legault.
Un grand absent : la ligne rose, un projet défendu par la mairesse de Montréal, Valérie Plante, et soutenu à la fois par le Parti Québécois et le Parti Libéral du Québec, « trop cher », selon le chef caquiste.
Plus de place pour les voitures
Les automobilistes ne sont pas en reste, puisqu’on veut prolonger l’autoroute 19 jusqu’à Bois-des-Filion et l’autoroute 13 jusqu’à l’autoroute 50, sous la forme d’un boulevard urbain. « Ce n’est pas vrai que l’on va régler les problèmes de congestion en punissant les automobilistes », précise le chef caquiste, en soulignant que ce n’est pas toujours une option pour les familles en particulier.
« Nous proposons aussi de transformer le boulevard Notre-Dame en boulevard urbain, le long duquel circulerait le tramway, poursuit-il, et où nous pourrions profiter d’une des plus belle vue, ce qui n’est pas le cas en ce moment. » Peu de détails concrets ont été donnés sur la modernisation maintes fois reportées de la rue qui longe le fleuve et où plusieurs entrepôts bloquent la vue. On évoque « la construction de maisons, de commerces et d’édifices à bureau », et les villes de Baltimore et Boston sont citées comme source d’inspiration.
Afin de réduire les désagréments liés aux travaux routiers, on prévoit faire des opérations 24h sur 24 dans les zones non-habitées.
Les technologies innovantes au service du réseau
Un gouvernement caquiste intégrerait également davantage les nouvelles technologies, entre autre par une meilleure synchronisation des caméras de circulation et des feux intelligents.
« Le plan permettra de mieux planifier la circulation, selon Benoit Charrette, député de Deux-Montagnes et porte-parole de la CAQ en matière de transport. Mais il faut multiplier les options. C’est à cet effet que l’on prévoit également l’élargissement de l’autoroute 30, à 3 voies, sur le tronçon entre les autoroutes 10 et 20, pour le transport collectif. Afin de « convaincre le plus de gens de passer au transport collectif », des stationnements incitatifs seront également agrandis.
La CAQ veut également mettre en place une unité d’intervention d’urgence lors d’accidents, puisqu’ils sont « l’une des cause principale de la congestion et du ralentissement du service », et revoir la coordination de l’ensemble des services d’urgence « afin d’éviter les cafouillages comme celui de l’hiver dernier, sur l’autoroute 13 ».
Des réactions mitigées
La Fondation David Suzuki accueille les mesures liées au transport collectif avec satisfaction, particulièrement le tramway vers l’est, « la plus belle proposition du plan », selon Diego Creimer, responsable des communications. Il s’inquiète toutefois « des multiples projets de parachèvement ou d’élargissement du réseau routier ».
Le plan propose l’ajout de centaines de kilomètres de nouvelles voies, et « l’expérience récente démontre que l’ajout de nouvelles routes ne diminue la congestion que pendant quelques années. On se retrouvera à la case départ dans moins de 10 ans, aux prix de milliards investis en pure perte », se désole Karel Mayrand dans un communiqué émis par l’organisme environnemental.
Un avis que partage aussi Philippe Cousineau Morin, directeur de Trajectoire Québec, anciennement Transport 2000 : « Si on propose autant de projets de transport collectif que de projets d’autoroute, c’est la recette parfaite pour le statut quo. Je me demande quelles seront les priorités. Par quoi on commence? », s’interroge-t-il, soulignant que le plan s’échelonne jusqu’en 2030
M. Cousineau Morin dit constater que le plan « manque de crédibilité. Tout y est, mais est-ce réaliste? Le prix pour le total semble grandement sous-estimé. »
Les documents dévoilés par la CAQ ne détaillent pas chacune des mesures proposées, ce qui irrite également Jean-Martin Aussant, candidat du Parti Québécois dans Pointe-aux-Trembles. « Où est le cadre financier? Le projet annoncé fait moins que le Grand Déblocage du PQ, pour un coût plus élevé. Est-ce que ce sera financé avec des coupures de service? »
L’économiste souverainiste souligne également que les chiffres exacts concernant le nombre de voitures retirées des routes, les émissions de gaz à effet de serre n’ont pas été chiffrés. Une question à cet effet a d’ailleurs été posée lors de la conférence de presse, sans obtenir de réponse précise.
Le rôle de l’ARTM
Quant au possible conflit de priorités avec l’Autorité régionale de transport métropolitain, dont le rôle est de planifier et développer le transport collectif sur l’ensemble du territoire de la grande région métropolitaine de Montréal, le chef caquiste a affirmé qu’il tendrait l’oreille à ses propositions, mais qu’il « n’avait pas le temps d’attendre, car l’élection est le 1er octobre et il faut faire des propositions. »
L’ARTM regroupe tous les maires de la Communauté Métropolitaine de Montréal, qui ont des besoins différents. « Quand je parle à la mairesse de Montréal, elle me parle de la ligne rose, mais si je vais dans le 450, ils me parlent de d’autres choses. Il faut choisir », illustre M. Legault.
Le maire de Montréal dispose à l’heure actuelle d’un droit de véto à l’ARTM, un trop grand pouvoir, selon la CAQ. « Il doit y avoir un équilibre, le 450 doit posséder un poids équivalent à Montréal. S’il y a impasse, il serait normal que le gouvernement du Québec arbitre », selon le chef caquiste. « L’addition du bien commun du 450 et du bien commun de Montréal, cela ne donne pas nécessairement le bien commun pour toute la CMM ».