Une nouvelle étude dévoile le rôle de plus en plus important que jouent les acheteurs étrangers dans le marché immobilier montréalais, qui participent à la hausse des prix. Québec continue toutefois d’affirmer que la mise en place d’une taxe visant ceux-ci serait «prématurée».
«Si la baisse de l’inventaire [des propriétés à vendre] continue de se matérialiser et si le nombre d’acheteurs étrangers continue d’augmenter, ça pourrait mettre beaucoup de pression sur le marché. On pourrait voir des augmentations de prix beaucoup plus agressives», prévient le vice-président et directeur général de Royal LePage, Dominic St-Pierre.
Alors que l’entreprise avait d’abord anticipé une hausse du prix de vente des propriétés de 3% dans le Grand Montréal d’ici la fin de l’année, cette prévision a été revue à la hausse pour atteindre plutôt 4,5%, indique une étude réalisée par M. St-Pierre publiée mercredi.
Cette augmentation se fait notamment sentir dans les quartiers centraux, où le prix médian d’un condo a augmenté de 5,5% en un an pour atteindre maintenant 404 000$ alors que le coût d’achat moyen pour un appartement en copropriété à Laval est d’environ 255 000$.
En parallèle, la part occupée par les acheteurs étrangers dans le marché immobilier montréalais, qui était de moins de 2% il y a quelques années, a atteint 3,4% en avril 2018 et pourrait bien friser les 4% prochainement, estime M. St-Pierre.
«C’est un acheteur sur 25 qui est un acheteur étranger sur l’île de Montréal, illustre-t-il. Ça vient contribuer à la baisse de l’inventaire parce qu’ils viennent acheter des propriétés qui auraient été disponibles pour des gens qui sont ici. Et ça vient par le fait même contribuer à la hausse des prix.»
«La demande pour les acheteurs étrangers commence, pour la première fois, à avoir un impact tangible sur le marché immobilier montréalais.» -Extrait de l’étude de Royal LePage
Une taxe écartée
Alors que l’écart entre la valeur des propriétés à Montréal et à Toronto se resserre, la Ville de Montréal réclame depuis plusieurs mois que le gouvernement du Québec lui permette d’imposer une taxe aux acheteurs étrangers, comme l’ont fait successivement Vancouver et Toronto dans les dernières années afin de stabiliser leur marché immobilier, qui a connu une véritable surchauffe.
«L’application d’une telle taxe dans le futur nous apparaît de plus en plus inévitable», a réagi à Métro Geneviève Jutras, l’attachée de presse de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, ajoutant que les chiffres avancés dans l’étude sont «très préoccupants» et que la Ville «poursuit ses échanges avec Québec dans ce dossier».
Le gouvernement Legault, cependant, continue d’écarter cette option.
«Nous allons continuer de faire le suivi de la situation, et évaluer en continu l’état du marché», a indiqué par courriel Fanny Beaudry-Campeau, l’attachée de presse du ministre des Finances Eric Girard, qui a qualifié la mise en place d’une telle taxe de «prématurée».
«Nous ne croyons pas que l’achat étranger soit un problème pour le moment.» -Fanny Beaudry-Campeau, l’attachée de presse du ministre des Finances Eric Girard
Le marché montréalais est «encore loin» de la situation vécue en 2016 et en 2017 à Vancouver et à Toronto, période pendant laquelle le prix de vente des propriétés a grimpé de plus de 25%, a précisé Dominic St-Pierre. L’analyste estime également qu’il est trop tôt pour imposer une taxe aux acheteurs étrangers à Montréal.
«[Le ministre des Finances] dit qu’il n’y a pas d’urgence d’agir alors qu’on voit très bien que le marché immobilier de Toronto et de Vancouver se rend ici», a rétorqué le porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), Maxime Roy-Allard, qui craint que la hausse de la valeur des propriétés ne se répercute sur le prix des loyers sur le marché locatif, qui est déjà grandement affecté par les plateformes de type Airbnb, qui retirent des milliers de logements du marché locatif.
Au-delà des acheteurs étrangers, des règlements de zonage stricts, qui limitent notamment les constructions en hauteur dans les quartiers centraux, nuisent à la densification et contribuent donc à la hausse du coût d’achat des logements en créant un effet de rareté, a pour sa part soulevé le directeur respnsable de l’analyse du marché à l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec, Charles Brant.
«Il y a des gens qui vont envisager le fait de retourner en banlieue parce qu’ils ne peuvent pas s’offrir un logement au centre-ville.» -Charles Brant
Aussi en banlieue
La hausse du prix de vente des propriétés ne concerne d’ailleurs pas que les quartiers centraux de la métropole. Au contraire, la valeur des propriétés a grimpé respectivement de 6,4% et de 5,6% dans l’est de l’île de Montréal et sur la Rive-Sud.
Cette situation serait notamment attribuable aux nombreuses infrastructures de transport en commun qui sont envisagées pour desservir ces endroits, comme le projet de tramway sur la rue Notre-Dame vers l’est de l’île et la mise en fonction dans les prochaines années du Réseau express métropolitain, qui desservira notamment Brossard et l’ouest de l’île.
«Si on réussit à trouver des façons simples de se déplacer de Laval, de Brossard et d’ailleurs en banlieue pour se rendre à Montréal, c’est une bonne nouvelle en soi, mais ça peut contribuer à une hausse des prix de vente des propriétés dans ces endroits-là», a souligné Dominic St-Pierre.
Un constat que partage le chargé de cours Pierre Barrieau, qui enseigne la planification des transports dans plusieurs universités québécoises.
«C’est certain que le REM va avoir un impact fondamental sur l’immobilier en banlieue […] Et je dirais même que les villes comptent là-dessus pour augmenter leurs revenus», a-t-il dit.