Alors que la métropole manque de logements locatifs, des promoteurs pressent la Ville de Montréal de procéder à des changements réglementaires afin de faciliter la construction d’immeubles en hauteur dans les quartiers centraux.
Le Grand Montréal devrait accueillir 320 000 nouveaux ménages d’ici 2031, selon des données de la Communauté métropolitaine de Montréal.
«On ne peut pas s’imaginer qu’on va pouvoir maintenir une ville à trois étages à la grandeur de la métropole. […] Si on ne densifie pas notre ville, l’alternative, c’est l’étalement urbain», évoque la coprésidente du promoteur immobilier Groupe Prével, Laurence Vincent, en entrevue à Métro.
Cette dernière a pris part mercredi à un événement dédié à l’évolution du marché de l’habitation dans la région métropolitaine tenu au Palais des congrès de Montréal. Des experts de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) y ont notamment présenté les résultats d’un nouveau rapport sur l’avenir du marché immobilier de la région métropolitaine.
Forte demande
L’an dernier, 11 000 appartements locatifs ont été mis en chantier dans le Grand Montréal, un record en 30 ans pour la région. Ce nombre sera d’ailleurs encore plus élevé cette année, selon les prévisions de la SCHL.
Or, la demande continuera d’être plus forte que l’offre dans les prochaines années. Cette situation est notamment attribuable au vieillissement de la population, les personnes de 75 ans et plus ayant tendance à retourner vers le marché locatif.
«Ce n’est pas un phénomène qui est nouveau, mais c’est l’ampleur du phénomène qui est différente maintenant», soulève l’économiste Lukas Jasmin-Tucci, de la SCHL.
Selon la SCHL, la croissance annuelle du nombre de locataires dans la région métropolitaine devrait ainsi passer d’une moyenne annuelle de 4 550 nouveaux ménages entre 2011 et 2016 à 10 050 entre 2016 et 2021.
La société d’État envisage par ailleurs que le taux d’inoccupation des logements, qui aurait atteint un taux aussi bas que 1,4% cette année dans la région, demeurera faible dans les prochaines années.
«On va battre encore cette année des records de logements locatifs. Mais encore cette année, on a un très faible taux de logements disponibles. Il y a beaucoup de familles qui quittent pour aller ailleurs.» -Joanie Fontaine, économiste à la la firme JLR Solutions foncières.
Des obstacles réglementaires
Afin de répondre à cette demande croissante, plusieurs promoteurs souhaiteraient pouvoir construire davantage de logements en hauteur dans la métropole québécoise. Or, plusieurs quartiers centraux limitent la hauteur maximale des bâtiments à 12,5 mètres, soit l’équivalent de trois étages. À l’opposée, le coeur du centre-ville peut accueillir des immeubles de plus de 200 mètres.
«Ce qu’on a en ce moment, c’est une rareté de terrains. Donc, la solution passe par une révision du règlement d’urbanisme», a souligné Mélanie Robitaille, qui est vice-présidente de la firme immobilière Rachel Julien.
La construction en hauteur ne doit toutefois pas se faire au détriment du patrimoine, prévient le directeur général d’Héritage Montréal, Dinu Bumbaru.
«On ne voudrait pas que le boulevard René-Lévesque crée une barrière qui empêche de voir le mont Royal», illustre-t-il. Selon lui, la Ville doit s’assurer de se doter d’«outils réglementaires» afin d’assurer que le développement immobilier montréalais respecte la protection du patrimoine.
«Quand la densification n’est pas réfléchie, elle peut créer des problèmes de spéculation foncière et de gentrification», soulève pour sa part le président de l’Ordre des architectes du Québec, Pierre Corriveau. Afin de bien encadrer la densification, la Ville doit entre autres s’assurer de réserver des terrains pour la réalisation d’espaces verts et l’aménagement de «services», comme des écoles, estime-t-il.
Interpellée par Métro, l’attachée de presse du comité exécutif, Laurence Houde-Roy, assure que la Ville tiendra prochainement des consultations publiques dans le cadre de la révision de son plan d’urbanisme «au cours desquelles tous les acteurs pourront se prononcer».
Locaux commerciaux
Afin de répondre aux besoins du marché immobilier, la Ville pourrait aussi se montrer plus «flexible» dans la conversion de locaux commerciaux en logements.
«S’il y a beaucoup de locaux vacants à Montréal et qu’au même moment, on manque de place pour des logements, il faudrait permettre aux propriétaires qui le désirent de pouvoir les convertir à des fins résidentielles», affirme le directeur des affaires publiques à la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, Hans Brouillette.
Selon des données de la Ville, le taux de vacance moyen des commerces sur les artères de la métropole s’élevait à 15% en juillet dernier. Une consultation publique aura d’ailleurs lieu en janvier afin de trouver des solutions à ce phénomène.