Plus d’une centaine personnes ont chanté et dansé devant le consulat général du Chili à Montréal lors d’une manifestation vendredi. Elles ont montré leur soutien aux femmes victimes de violence dans ce pays d’Amérique du Sud en pleine crise sociale.
«Le violeur, c’est toi», ont scandé les participantes réunies sur la rue Sherbrooke, en face de l’établissement, tout en pointant un doigt accusateur vers l’avant.
Depuis la fin novembre, de nombreux rassemblements organisés par le collectif Las Tesis ont eu lieu, d’abord au Chili, puis dans plusieurs villes du monde comme Mexico, Paris et Vancouver. Chaque fois, de nombreuses femmes ont entonné les paroles de la chanson «Un violeur sur ton chemin» tout en portant un bandeau noir devant leurs yeux et un foulard vert autour de leur cou.
«C’est une performance féministe qui dénonce la violence faite aux femmes. Et pour le Chili, ça tient compte de la situation récente où il y a une hausse de la violence faite aux femmes», explique à Métro la journaliste chilienne et étudiante en études féministes à l’Université du Québec à Montréal, Claudia Santibanez.
Crise sociale
Créée par quatre chiliennes en novembre dernier, cette chanson se veut une réplique à la crise qui secoue le pays depuis que le gouvernement a décidé de hausser le prix des titres de métro à la mi-octobre. Cette décision a agi comme la goutte qui a fait déborder le vase dans un pays marqué par des inégalités sociales grandissantes.
Depuis, 23 personnes ont perdu la vie au Chili au cours de manifestations réprimées par les forces de l’ordre qui auraient aussi fait près de 5000 blessés, selon divers médias. Les femmes seraient d’ailleurs victimes de nombreux abus pendant ces événements. Des policiers profiteraient de ceux-ci pour commettre des attouchements sexuels et des viols.
«Le président chilien est en train d’appliquer des procédures de la police tout à fait illégales qui font en sorte que les femmes se font toucher, violer et vivent des conditions horribles», déplore Mme Santibanez.
Au cours des dernières semaines, plusieurs personnes ont perdu un oeil au Chili, en raison de balles perdues dans des manifestations. C’est afin de déplorer cette situation que les participantes ont porté un bandeau noir sur leurs yeux.
«Le gouvernement veut nous laisser sans yeux, mais nous, on ne va jamais arrêter de voir la violence faite aux femmes», a ajouté Mme Santibanez, qui a participé au rassemblement vendredi.
«Ce n’était pas de ma faute, ni de l’endroit où je me trouvais, ni de comment j’étais habillée… le violeur, c’est toi!» -Extrait de la chanson «Un violeur sur ton chemin»
Interpeller les autorités
L’événement se voulait aussi un moyen demander à Ottawa de faire pression sur le gouvernement chilien afin que cessent ces abus.
«Ce serait bien que nos dirigeants ici dénoncent ce qui se passe là-bas», a déclaré à Métro Véronique Gagné-Greffard, qui a organisé le rassemblement tenu au centre-ville de Montréal.
Des représentants d’Amnistie internationale, de Québec solidaire et du Comité pour les droits humains en Amérique latine tiendront d’ailleurs une conférence lundi prochain à Montréal afin de faire pression sur Justin Trudeau à cet effet.
«En ce moment, au Chili, il y a un grand climat de répression. La tension est très grande.» –Marussia Ahumada, une manifestante d’origine chilienne
Polytechnique
Ce rassemblement à Montréal prend une tournure particulière alors qu’il survient le même jour que le 30e anniversaire de la tuerie de Polytechnique. Le 6 décembre 1989, Marc Lépine fauchait la vie de 14 étudiantes de l’établissement lors d’un attentat antiféministe qui a tristement marqué l’histoire moderne du Québec.
«Le mouvement étudiant a décidé de le faire aujourd’hui pour souligner cette tragédie», a déclaré la Chilienne Claudia Martinez, rencontrée sur place par Métro.
Montréal n’est d’ailleurs pas la seule ville au Québec qui sera l’hôte de cette performance. Selon Mme Gagné-Greffard, de tels rassemblements devraient notamment avoir lieu dans les prochains jours à Québec et à Rimouski.