Montréal

Un consultant épinglé par le BIG pour des appels d’offres «dirigés» sur le traitement des eaux usées par ozonation

épuration d'eau

La Ville de Montréal a mis à la porte un consultant qui aurait convaincu des fonctionnaires de modifier des appels d’offre afin de favoriser sa candidature pour de lucratifs projets de désinfection des eaux usées par ozonation.

Le Bureau de l’inspecteur général (BIG) a dévoilé lundi un volumineux rapport d’enquête de plus de 100 pages. Après avoir consulté plus de 10 000 documents et rencontré une trentaine de témoins, le BIG en vient à la conclusion que Pierre-André Liechti a réussi à convaincre des fonctionnaires de la Ville de formuler des appels d’offre «dirigés» à l’égard de l’entreprise Degrémont, pour laquelle il avait travaillé.

Candidature favorisée

De 2005 à 2007, M. Liechti a réalisé, pour le compte de la multinationale Degrémont, des projets pilotes de désinfection des eaux usées à la station d’épuration de la métropole, située dans Rivière-des-Prairies. L’objectif, à terme, est de retirer toute trace de médicaments, de détergents et d’autres polluants dans les eaux usées de la métropole, qui sont rejetées dans le fleuve Saint-Laurent.

Rappelons les faits. En 2010, la Ville lance un appel d’offres pour obtenir les services d’un expert en ozonation, contrat que décroche M. Liechti.

Or, l’homme, d’origine suisse, a effectué plusieurs démarches pour tenter de convaincre des fonctionnaires de modifier un appel d’offres «de manière à favoriser sa candidature en proposant des critères auxquels il allait être en mesure de répondre», constate l’inspectrice générale Brigitte Bishop.  

Le BIG n’a toutefois pas été en mesure de savoir si des employés municipaux ont été soudoyés financièrement à cette fin. L’inspectrice générale n’a donc pas effectué d’enquête criminelle en lien avec cette affaire.

Prioriser son invention

Dans le cadre d’un second appel d’offres lancé en 2009 afin de trouver un fournisseur pour un système d’ozonation, l’enquête du BIG révèle que Degrémont «a obtenu une version préliminaire des documents d’appel d’offres de qualification et a proposé des modifications sur certaines clauses».

L’épais rapport du BIG fait notamment état d’échanges de courriels entre un employé de l’entreprise et un microbiologiste de la station d’épuration d’eau. L’enquête démontre que quatre des modifications proposées par l’employé figuraient «dans la version finale» des documents.

Pierre-André Liechti est par ailleurs montré du doigt pour son «apparence de favoritisme» pour un troisième appel d’offres. C’était en 2015 et cela concernait un contrat de près de 100 M$ à Degrémont pour la construction d’une unité d’ozonation.

M. Liechti faisait alors partie du comité de sélection, lequel devait analyser deux propositions. Celle de Degrémont proposait l’utilisation d’une technologie de désinfection de l’eau sur laquelle il possède des brevets, car il en est l’un des inventeurs. 

Surveillance accrue, demande le BIG

Face aux constats du BIG, la Ville a décidé de mettre fin au poste de consultant de M. Liechti. L’entreprise Dégremont conserve toutefois son contrat.

«La Ville de Montréal collabore avec le BIG et a élaboré un plan de travail afin d’assurer l’efficacité, la performance et la rigueur dans la gestion du projet de construction de l’unité d’ozonisation», a indiqué à Métro l’attachée de presse de la mairesse de Montréal, Geneviève Jutras.

La Ville entend ainsi assurer une surveillance accrue des employés de l’usine d’épuration d’eau en plus d’assigner un avocat et un nouveau directeur général pour assurer une meilleure gestion de ce projet.

Plus cher et plus tard

L’ancienne administration de Denis Coderre prévoyait qu’une usine d’ozonation ouvrirait ses portes en 2018 dans l’est de l’île. 

L’administration de Valérie Plante a toutefois repoussé cet échéancier à 2023 dans le cadre de l’adoption de son budget et de son programme triennal d’immobilisations en novembre dernier. La facture du projet a aussi beaucoup grimpé au fil des années pour passer d’une estimation de 210 M$ en 2005 à plus d’un demi-milliard aujourd’hui.

D’un point de vue environnemental, ce projet revêt une grande importance, l’île de Montréal générant près de la moitié des eaux usées de la province.

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