La crise sanitaire causée par le coronavirus met doublement à risque les populations vulnérables, particulièrement les itinérants et les personnes atteintes d’une dépendance aux drogues ou à l’alcool. Plusieurs personnes vivant dans la rue pourraient être obligées de subir un sevrage forcé à cause des commerces fermés, alors qu’il s’agit parfois d’une question de vie ou de mort.
Les organismes qui viennent en aide aux gens en situation d’itinérance ou avec une dépendance à Montréal lancent cet avertissement aux autorités, alors que Québec force la fermeture de toutes les entreprises non essentielles.
Si des mesures concrètes pour assurer une consommation sécuritaire de l’alcool et des narcotiques ne sont pas prises au début de la période d’isolement que connaît la métropole, plusieurs personnes pourraient en mourir.
«Le sevrage d’alcool, de benzodiazépines et de GHB peut être mortel. Si une personne qui consomme fortement ces substances arrête d’un seul coup, elle peut connaître de graves convulsions et d’importants dommages aux organes. Ça ne se fait pas du jour au lendemain, sans médicalisation thérapeutique», Jean-François Mary, directeur général de l’organisme Cactus Montréal.
En effet, l’approvisionnement des individus dépendants à l’alcool doit être maintenu, selon Ann Lalumière, coordonnatrice de l’organisme Plein Milieu. Elle craint la fermeture des dépanneurs, puisque les épiceries ne sont pas aussi nombreuses sur le territoire.
Puis, il y a la question des revenus qui diminuent. Elle demande aux gens d’être généreux lorsqu’ils croisent un itinérant.
«On demande aux citoyens de donner si les gens quêtent, ils en ont besoin. Il est possible que les sous servent à acheter de l’alcool oui, mais pour certains, c’est une question de vie ou de mort» – Ann Lalumière, coordonnatrice de l’organisme Plein Milieu.
«On le constate déjà dans la rue, les sources de revenus de ces personnes ont diminué. Il y a moins d’argent qui est donné aux personnes qui quêtent et les travailleuses du sexe ont moins de clients», affirme pour sa part M. Mary.
Plein Milieu, qui travaille en intervention auprès des itinérants dans l’arrondissement du Plateau – Mont-Royal, demande aux pharmaciens de relaxer les règles de prescription de médication pour le sevrage en le faisant directement avec les consommateurs.
Cette demande fait écho à celles de Cactus, pour qui l’accès aux substances thérapeutiques, comme la méthadone, est vital.
Pour l’instant, les dépanneurs, les épiceries et les succursales de la Société des alcools du Québec, ainsi que celles de la Société québécoise du Cananabis demeurent ouverts, étant considéré comme des services essentiels aux yeux du gouvernement.
Par ailleurs, le syndicat des employé-es de magasins et de bureaux de la SAQ (SEMB-SAQ-CSN) et le syndicat des employé-es de la SQDC (SEE-SQDC-CSN) dénoncent qu’aucune mesure de prévention supplémentaire n’ait été mise en place pour protéger leurs membres durant cette période de crise.
Besoin de lieux de consommation sécuritaires
Les acteurs du milieu de la rue se réjouissent de l’annonce de la Ville la semaine dernière concernant la mise en place d’un centre d’accueil pour les personnes en itinérance atteintes du COVID-19 à l’ancien hôpital Royal-Victoria.
Toutefois, ceux-ci souhaitent que la consommation et l’approvisionnement supervisés pour les gens vivant avec une dépendance soient inclus dans les services qui y seront offerts.
«Il faut continuer de donner un accès sécuritaire aux patients sur place. Il faut qu’ils puissent consommer ce dont ils ont besoin, c’est la manière la plus sage de procéder», insiste Anita Schoepp, superviseure par intérim au Projet des Travailleuses de Soutien Autochtones à Montréal.
Cette dernière demande la collaboration des services publics pour que des méthodes de réduction des risques soient mises en place, afin de diminuer les effets sur la santé des éventuels symptômes de sevrage pour les personnes en auto-isolement ou en quarantaine.
Une telle initiative inclurait un approvisionnement sûr en drogues, telles que la méthadone, le suboxone, le kadian, le diladid.
Selon une étude réalisée par la ville en 2018, il y a 3149 personnes visiblement sans domicile fixe qui vivent dans la rue à Montréal.
Contacté à ce sujet, le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal n’a pas été en mesure de commenter.
Avec la collaboration d’Olivier Robichaud