La Ville de Montréal et la santé publique ont multiplié les efforts pour héberger les itinérants pendant la pandémie de coronavirus. Les besoins demeurent toutefois majeurs, notamment pour les femmes et les Autochtones sans-abri.
578. C’est le nombre de lits qui ont été aménagés dans quatre hôtels et divers bâtiments municipaux dans les dernières semaines pour répondre aux besoins des itinérants pendant la crise du coronavirus. Le plus récent du nombre est un refuge qui a ouvert ses portes lundi soir à l’aréna Maurice-Richard, dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve.
Or, jusqu’à présent, ces lits ne font que remplacer ceux qui ont été supprimés par mesure de distanciation sociale, soit un peu plus de 500.
«On peut dire qu’en raison de la distanciation, il y a environ 50% des lits dans les grands refuges qui ont dû fermer», explique à Métro la directrice adjointe aux partenariats du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal, Julie Grenier.
Et encore, la santé publique ne remplit pas tous les lits ajoutés. L’unité d’isolement mise en place dans l’ancien hôpital Royal Victoria, par exemple, compte une centaine de places. Mercredi après-midi, on n’y trouvait que huit personnes infectées au coronavirus.
La santé publique ne rapporte d’ailleurs qu’un seul décès au coronavirus parmi les sans-abri de la métropole depuis le début de la pandémie.
«On a élargi l’éventail de nos ressources d’hébergement pour répondre aux besoins de la crise», souligne toutefois Mme Grenier. Des haltes-chaleur ont notamment été aménagées à divers endroits.
Nouveau refuge pour les Autochtones
Au cours des prochains jours, 140 lits dédiés aux sans-abri viendront d’ailleurs s’ajouter dans la métropole, a appris Métro. D’une part, l’aréna Camillien-Houde, situé près de la station de métro Beaudry, accueillera de jeunes adultes. Un refuge dédié aux Autochtones prendra aussi forme dans le centre sportif de la Petite-Bourgogne. Selon nos informations, celui-ci comptera 40 lits accessibles aux hommes, aux femmes et aux couples. Son ouverture officielle devrait avoir lieu d’ici ce weekend.
«Il faut être capables de les rejoindre spécifiquement [les Autochtones] et d’avoir des ressources adaptées», explique Mme Grenier. Ce centre sera situé à environ 20 minutes à pied du square Cabot, qui sert de point de rencontre à de nombreux Autochtones.
«C’est super que ça arrive maintenant, mais ça aurait dû arriver il y a un mois déjà», a réagi à Métro la directrice du Foyer pour femmes autochtones de Montréal, Nakuset, qui gère un centre de jour qui a ouvert ses portes en novembre dernier près du square Cabot.
«Ce n’est assurément pas suffisant. Si vous vous promenez dans le square Cabot, vous allez voir deux ou trois cents personnes qui attendent pour avoir de la nourriture.» -Nakuset
Le «wet shelter» se fait attendre
Projets autochtones Québec, qui possède un refuge au centre-ville de Montréal, a dû fermer environ la moitié de sa cinquantaine de lits dans les dernières semaines pour assurer le respect des mesures de distanciation sociale entre ses murs.
«Chaque soir, on ne peut pas répondre à la demande des personnes autochtones en situation d’itinérance», souligne sa directrice générale, Heather Johnston.
Si cette dernière accueille avec soulagement l’arrivée d’un nouveau centre d’urgence temporaire pour les Autochtones, elle souligne qu’il manque toujours un «wet shelter» dans la métropole. La Ville devait d’ailleurs tenir dès ce printemps un projet pilote qui aurait permis l’aménagement d’un refuge autorisant la consommation d’alcool de façon contrôlée. La crise sanitaire actuelle semble toutefois avoir retardé ce projet.
«Il n’y a pas un refuge de nuit qui permet la consommation d’alcool [à Montréal]», soulève Mme Johnston.
Manque de lits pour les femmes
Le refuge Chez Doris, qui accueille actuellement 60% moins de femmes qu’à l’habitude en raison de la crise sanitaire, constate pour sa part un manque de lits réservés aux femmes en situation d’itinérance pendant la crise actuelle.
«Je dirais que si toutes les femmes utilisaient les lits qui sont là en ce moment, ce ne serait pas suffisant. Si des femmes décident de dormir dehors, c’est parce que ce n’est pas adapté à leurs besoins», souligne la directrice générale de l’organisme, Marina Boulos-Winton.