Les ressources en santé mentale pourront officiellement reprendre les consultations en personne au Québec. Des organismes et des psychologues se réjouissent de la nouvelle, mais s’attendent à un «casse-tête» dans le respect des consignes sanitaires.
Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, confirmait hier la réouverture de plusieurs services de soins privés au Québec. Dans la province, les psychologues pouvaient poursuivre leurs activités en personne, mais avaient été encouragés à opter pour la visioconférence ou le téléphone.
Pour la psychologue Stéphanie Thibault, dont les bureaux se trouvent sur le Plateau-Mont-Royal, le temps était venu de relancer les rencontres physiques. «La troisième dimension est drôlement importante à mon avis», observe-t-elle.
Comme plusieurs collègues Mme Thibault n’a pas pris de vacances depuis le début de la pandémie. Elle a plutôt décidé d’opter sur la consultation à distance, quand c’était possible.
À la clinique Diapason Santé, dans Hochelaga-Maisonneuve, la pandémie a eu un impact important sur le suivi de la clientèle. «Environ 60 à 70% de la clientèle» y a mis fin temporairement.
Selon la propriétaire de l’entreprise, Marie-Hélène Auger, plusieurs facteurs peuvent expliquer cette baisse de la fréquentation: «la diminution de revenus, le manque d’espace privé à la maison pour parler librement sans être entendu ou le manque de proximité thérapeutique via la vidéo», énumère-t-elle.
«Le pire, c’est que les enfants en détresse, eux n’ont pas accès à faire ça par visioconférence. On parle de la détresse des adultes, mais on peut aussi évoquer celle des enfants.» – Jalène Allard, directrice générale du Centre de psychologie Gouin
Encore des efforts
Selon Stéphanie Thibault, le retour ne sera pas sans difficulté. «Tout dépendamment du niveau de risque que chacun est à l’aise de prendre, ça va être un sérieux casse-tête», affirme l’experte en santé mentale.
Même son de cloche au Centre de psychologie Gouin, dans Ahuntstic. «On va avoir des visières. Dans la salle d’attente, on a écarté des fauteuils. On demande aux gens de venir seuls. On va mettre en place tout ce qu’on peut», lance sa directrice générale, Jalène Allard.
«Tous les psychologues vont avoir leur push-push», blague-t-elle, évoquant tout de même que des protocoles clairs se font attendre.
Un moment charnière
À Suicide Action Montréal (SAM), on a constaté depuis le début de la pandémie que les appels se font plus rares. Ce qui n’est pas un bon signe, martèle le directeur général de l’organisme, Luc Vallerand.
«Les gens qui étaient en détresse avant la COVID-19 sont restés davantage isolés socialement. On les a moins incités à utiliser les services d’aide», observe-t-il.
«Les ressources en santé mentale ont été le parent pauvre de la crise. Oui, les soins physiques priment, mais ça a eu des impacts auprès des personnes qui avaient déjà une vulnérabilité.» – Luc Vallerand, directeur général de SAM
Stéphanie Thibault constate elle aussi que la pandémie elle-même a joué sur la santé psychologique des Québécois.
«Pour certain, comme il y a eu un ralentissement de la vie, c’est devenu sous-stimulant. […] J’ai commencé à constater des surdoses d’anxiété», lance-t-elle.
Suicide Action voit la réouverture des ressources en psychologie d’un bon œil.
«On accueille favorablement l’idée d’avoir plus de ressources, soutient M. Vallerand. Parce que ça va permettre à des gens isolés de demander de l’aide, ou permettre à leurs proches de les inciter à utiliser les services.»
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Une version précédente de ce texte indiquait que les psychologues du Grand Montréal ne pourraient reprendre la pratique en personne avant une date encore «à déterminer». Or, la pratique en personne n’a jamais été interdite au Québec. L’Ordre des psychologues du Québec favorisait cependant la consultation à distance.
Le point de presse tenu hier par le gouvernement du Québec visait à «établir des balises claires quant aux services professionnels et aux consultations qui peuvent désormais être offerts», nous a indiqué le ministère de la Santé et des Services sociaux dans un échange de courriels.