Après l’administration Plante, c’est au tour du Comité intersyndical du Montréal métropolitain (CIMM) de reconnaître la présence du racisme systémique dans les milieux de travail montréalais. L’organisme, qui représente plus de 400 000 travailleurs, presse les gouvernements et autres institutions publiques de se doter d’un plan d’action pour lutter contre toute forme de discrimination.
«Ce qu’on dit aux directions et aux parties syndicales, c’est d’avoir le courage de mener une réflexion sérieuse sur le racisme systémique, et de trouver des solutions», explique à Métro le porte-parole de la coalition qui regroupe plusieurs syndicats nationaux, Marc-Édouard Joubert.
Pour celui qui est aussi président du Conseil régional FTQ de Montréal, «la première étape est de nommer le problème.» «On ne veut pas faire la morale à qui que ce soit, ou se perdre dans les définitions. L’essentiel, c’est de dire clairement que pour certains salariés, la vie quotidienne est beaucoup plus complexe et lourde», dit-il.
«On dit souvent qu’à compétences égales, chances égales. Mais dans le cadre du racisme systémique, ce n’est pas le cas du tout. On pourrait facilement donner accès davantage à des personnes racisées à des conseils d’administration.» -Marc-Édouard Joubert, du CIMM
Au-delà des mesures d’accès à l’emploi, les organisations doivent envisager une certaine refonte de leurs structures, selon M. Joubert. Il propose notamment l’implantation de groupes de travail, qui impliquerait des personnes racisées et des dirigeants pour «donner une voix» aux enjeux.
D’ailleurs, le monde syndical, dont fait partie le CIMM, a encore beaucoup de travail à faire. «Si on veut que quelqu’un occupe un poste de dirigeant, encore faut-il lui permettre de cheminer, illustre son porte-parole. Il faut absolument que nos structures ressemblent davantage à ses membres. Dans notre cas, le danger, c’est une éventuelle déconnexion avec le pouvoir syndical, ce qui nuit à la mobilisation.»
La position «dommageable» de Québec
Jusqu’ici, le gouvernement caquiste refuse de reconnaître qu’il existe du racisme systémique au Québec. Début juin, le premier ministre François Legault disait vouloir une «évolution tranquille» sur ces questions, sans pour autant «faire le procès» des Québécois qui, selon lui, ne sont pas racistes en grande majorité. Un groupe d’action contre le racisme, composé de sept élus, a depuis été mis sur pied.
«On est dus pour une évolution tranquille. On doit changer de la même façon qu’on a évolué pour que les francophones et les femmes retrouvent leurs droits». -François Legault, premier ministre du Québec
Pour Marc-Édouard Joubert, cette position est «vraiment dommageable et déplorable». «Quand on parle de racisme systémique, on n’est pas en train d’évoquer le racisme des individus; on est tout simplement en train de dire que les structures font en sorte qu’il y a discrimination. Ça ne nous rassure pas quant au sérieux du gouvernement», rétorque-t-il.
Le fait que M. Legault parle d’évolution tranquille démontre qu’il ne subit pas les effets de la discrimination au quotidien, ajoute le leader syndical. «Les gens qui en souffrent depuis des décennies ont carrément été insultés. La dernière chose qu’ils veulent entendre, c’est qu’on va faire ça tranquillement. Leur souffrance semble complètement échapper au gouvernement», renchérit-il.
Des idées pour contrer le racisme systémique
À la mi-juin, l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) publiait un rapport très attendu sur le racisme systémique. On y lit notamment que la Ville «néglige» la lutte contre le racisme et qualifie d’«éparse» son action contre la discrimination, invoquant notamment le partage de responsabilités entre différentes structures «sans qu’une vision transversale ne se dégage».
Pour y remédier, Montréal a notamment mandaté, le même jour, son directeur général Serge Lamontagne de mettre sur pied «dès la rentrée» un poste de commissaire à la lutte au racisme et la discrimination. «Les attentes seront grandes», a dit la mairesse Valérie Plante, vantant un geste «très fort» de son administration.
«C’est le temps d’agir. Nous vivons un moment important, un réveil collectif à l’effet que le racisme systémique existe et que l’on doit s’y attaquer.» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
Le CIMM, lui, «salue cette volonté affichée» de la Ville. Les recommandations 5, 8, 11 et 14 du rapport de l’OCPM – qui traitent plus spécifiquement du monde du travail – «semblent particulièrement porteuses de changements positifs», note-t-on.