Alors que les commerces écopent durement de la crise du coronavirus et de divers travaux municipaux, un blog appelle les Montréalais au boycott contre certains établissements ayant fait part de leur opposition à certains aménagements cyclistes à Montréal.
Sur le site web «Boycott Montréal», qui emprunte le format d’un blog, on retrouve une liste de commerces ayant fait part récemment de leur opposition à certains aménagements cyclables ou à la création de rues piétonnes par l’administration de Valérie Plante. Certains se situent sur la rue Notre-Dame Ouest et la rue Sainte-Catherine, notamment.
La vaste majorité de ces établissements se trouvent toutefois sur la rue Saint-Denis. Mardi, plus d’une soixantaine de commerces de cette artère ont signé une lettre ouverte pour montrer leur opposition aux travaux du Réseau express vélo (REV). Ceux-ci, actuellement en cours, entraîneront le retrait de plusieurs espaces de stationnement en plus de réduire la largeur des voies de circulation afin de pouvoir aménager des pistes cyclables unidirectionnelles très larges sur la rue Saint-Denis. Des travaux similaires auront lieu sur d’autres artères de la métropole dans le cadre de ce même projet.
«la Ville semble tout mettre en œuvre pour nous faire fermer», ont écrit hier les commerçants. Ceux-ci appréhendent les impacts qu’auront ces travaux et ces futurs aménagements sur leurs livraisons et leur approvisionnement, notamment.
Appel au boycottage
Ce site web, dont Métro n’a pu rejoindre l’auteur, se veut donc un moyen de répliquer aux commerces ouvertement opposés à des aménagements cyclables en incitant les Montréalais à cesser de fréquenter ceux-ci. Le responsable du blog, qui se dit «non partisan», invite d’ailleurs les citoyens à l’aider à mettre à jour cette «page de référencement» en lui proposant d’autres commerces «ayant donné leur opinion publiquement contre l’amélioration des conditions de vie à Montréal et de ses quartiers centraux», qui passe selon lui par des projets de transport actif.
«Dès que je vois un commerçant qui tient des propos injurieux contre les cyclistes ou prend position contre un projet [de mobilité active], je décide de ne plus aller dans ce commerce», souligne à Métro le cycliste militant Mathieu Murphy-Perron, qui appuie cette initiative.
Le site web précise d’ailleurs que des commerçants peuvent demander de voir le nom de leur établissement retiré de cette liste, s’ils prouvent qu’ils ont changé leur point de vue sur les pistes cyclables.
«Pensez-vous vraiment que les trois cyclistes qui vont s’empêcher de venir dans mon commerce, ça va avoir une incidence sur ma vie?», lance à Métro le propriétaire du magasin À L’Affiche, François Patenaude. Le commerce de la rue Saint-Denis compte parmi ceux inscrits dans la liste du site web «Boycott Montréal».
«Des pistes cyclables, on en a déjà assez en ce moment. Est-ce qu’on peut passer à autre chose et essayer plutôt de raviver l’économie?» -François Patenaude, propriétaire du commerce À L’Affiche
Une action «contre-productive»
Contactée par Métro, la présidente-directrice générale de Vélo Québec, Suzanne Lareau, a déploré la création de ce blog.
«On n’est pas en faveur de cette technique-là. Je ne crois pas que ce soit en partant une guerre comme ça qu’on va réussir à s’entendre. Ce que je veux toujours, c’est convaincre les gens du bien-fondé de cette piste-là», a réagi Mme Lareau en référence au projet du REV sur la rue Saint-Denis, dont elle se porte à la défense.
Le responsable du développement économique à la Ville, Luc Rabouin, déplore également cette initiative.
«Plus que jamais, les commerçants ont besoin du soutien de toutes et de tous. L’appel au boycott est contre-productif puisque les commerces sont un ingrédient essentiel des quartiers humains et vivants que nous souhaitons créer», indique-t-il dans une déclaration acheminée à Métro.
L’élu, qui a dû défendre le projet du REV mardi en séance du conseil municipal, ajoute qu’il est «normal que le changement apporte son lot de critiques». Il affirme néanmoins que de «nombreux commerçants souhaitent le REV et appuient les mesures de transition écologique».
Sans vouloir se prononcer pour ou contre ce projet de pistes cyclables, la directrice générale de l’Association des sociétés de développement commercial de Montréal, Caroline Tessier, dit toutefois comprendre pourquoi celui-ci soulève la grogne de plusieurs commerçants, qui écopent déjà de la crise sanitaire.
«Ce qui laisse une perception négative, c’est l’implantation d’un projet en pleine crise. Il y a des personnes qui peuvent se demander si c’est la priorité de faire une piste cyclable maintenant», laisse-t-elle tomber. Elle appelle ainsi la Ville à être à «l’écoute» des commerçants.