À Montréal, un adulte sur quatre a récemment déclaré avoir eu des symptômes dépressifs ou anxieux. Alors que la deuxième vague frappe, la situation devient particulièrement préoccupante sur le plan de la santé mentale.
«Il y a deux phénomènes qui nous inquiètent. On sait que les mois automnaux sont plus difficiles pour le moral et que le risque de dépression est accru. À ça s’ajoutent les annonces liées à la deuxième vague, qui vont probablement exacerber la tension et l’anxiété», s’alarme la Dre Mélissa Généreux.
Professeure au Département des sciences de la santé communautaire de l’Université de Sherbrooke, la Dre Généreux avait mené une étude pour mesurer les problématiques de santé mentale à l’aube de la deuxième vague.
«On ne peut pas penser que tous ces gens vont demander de l’aide. Ce ne sont pas toutes les personnes qui sont prêtes à parler de ce qu’elles vivent.» – La Dre Mélissa Généreux
Bien qu’elle-même soit totalement en accord avec les mesures sanitaires décrétée par le gouvernement, la Dre Généreux reconnaît que celles-ci peuvent être difficiles à vivre pour beaucoup de personnes. Surtout que la fatigue s’accumule depuis les premières mesures instaurées en mars.
«Au début, les gens étaient sur l’adrénaline. Là, on sent de plus en plus une forme de désespoir. On comprend que certains sont plus désespérés qu’avant. Et qu’ils sont plus fatigués de faire ces efforts qui leur en demandent beaucoup», constate la professeure.
Mesurer le désespoir
Pour quantifier la problématique, une équipe, au sein de laquelle travaille la Dre Généreux, a sondé plus de 6000 adultes entre le 4 et le 14 septembre.
À Montréal, un adulte sur quatre aurait eu des symptômes d’anxiété ou de dépression au cours de la période. À l’échelle de la province, le taux baisse à un sur cinq. Étonnamment la situation familiale et le fait de vivre seul ou avec des enfants n’a pas eu de répercussions sur les résultats.
«En prépandémie, si je me fie à de grandes études canadiennes, le taux était plutôt autour de 7% pour les adultes. Ça a été mesuré au tout début de la vague, et à la fin de l’été, quand c’était encore beau et ensoleillé», rappelle la professeure.
Les jeunes de 18 à 24 ans ont présenté des taux particulièrement inquiétants alors que 37% d’entre eux rapportaient des symptômes anxieux ou dépressif.
Une situation qui ne devrait pas s’améliorer alors que l’automne est habituellement propice aux idées noires en raison du manque de lumière naturelle et du froid qui s’installe.
«On appréhende la pandémie comme une catastrophe qui vient totalement perturber notre fonctionnement, et qui occasionne beaucoup de stress et de perte», explique la Dre Généreux, qui compare la pandémie à d’autres tragédies telles que celles du lac Mégantic ou de l’incendie de Fort McMurray.
«Normalement, la population exposée à une catastrophe est relativement circonscrite au niveau géographique. Là, ça touche tout le monde», souligne-t-elle.
Solutions
Pour la Dre Généreux, les services de première ligne et les lignes téléphoniques devraient être prête à recevoir davantage d’appels à l’aide, et d’être en mesure d’y répondre.
Une autre solution serait d’offrir des programmes de pairs-aidant ou d’offrir des espaces de parole, particulièrement dans les milieux de travail où il y a beaucoup de stress.
«Il faut prendre le temps d’accepter ce qu’on vit et de mettre des mots sur ses émotions. On ne peut pas s’attendre que tous les gens aient le réflexe d’appeler pour demander de l’aide. Il faut agir un peu plus en amont», croit la professeure. Elle assure que l’écoute est le meilleur moyen de contrer les symptômes dépressifs.
Adhérer aux mesures
Dans un autre volet de l’étude, les chercheurs ont tenté de mesurer le taux d’adhésion aux mesures actuelles, et si les participants trouvaient celles-ci exagérées.
«Les perceptions ont probablement évolué depuis, mais ça reste intéressant de voir où se situaient les gens», admet la Dre Généreux.
Bien que le quart des répondants trouvaient les mesures exagérées, seulement 4% affirmaient ne pas les respecter.
Des chiffres qui étaient cependant beaucoup plus élevés auprès des 18 à 24 ans.
«Je devenais de plus en plus mal à l’aise de dire que les jeunes trouvaient ça difficile, vu qu’on ne l’avait pas quantifié. Mais là, on le voit, chiffres à l’appui», révèle la professeure.