Le nouveau règlement d’inclusion en matière de logement de la Ville de Montréal, communément appelé «20/20/20», a été adopté mardi par une majorité d’élus. Il est toutefois loin de faire l’unanimité à l’hôtel de ville.
Les élus montréalais avaient à se pencher sur la nouvelle mouture du règlement pour une métropole mixte de l’administration de Valérie Plante, qui a fait l’objet d’une présentation aux médias il y a deux semaines. À la suite d’un long débat qui a commencé lundi, les élus ont tranché mardi en séance du conseil municipal. Ce règlement a ainsi été adopté avec 40 voix pour et 20 contre. Il entrera en vigueur le 1er avril 2021.
«Le statu quo ne fonctionne pas», a lancé la mairesse de Montréal, Valérie Plante, peu de temps avant la tenue du vote. Elle faisait ainsi référence à la spéculation immobilière qu’a connue la métropole dans les dernières années. Selon des données de la Ville, la valeur des copropriétés a augmenté en moyenne de 43% en cinq ans, une hausse qui frise 100% dans certains quartiers centraux.
Dans ce contexte, «l’accès à la propriété est compromis pour un nombre croissant de jeunes ménages», soulignent les documents décisionnels de la Ville.
Un règlement assoupli
À l’origine, ce règlement devait viser à intégrer 20% de logements sociaux et tout autant de logements abordables et familiaux dans les projets immobiliers de cinq logements et plus. L’administration municipale a ensuite assoupli ses exigences en rendant plus flexible le pourcentage de logements abordables et familiaux exigé, qui variera en fonction du secteur.
La nouvelle version, qui fait suite à un rapport de l’Office de consultation publique de Montréal, apporte également des modifications supplémentaires au volet abordable du projet. Ainsi, les exigences en la matière s’appliqueront d’abord uniquement à certains secteurs en densification, soit quelques quartiers de Saint-Laurent ainsi que la Pointe-Nord de l’Île-des-Soeurs. D’autres secteurs s’ajouteront ensuite progressivement, comme Lachine-Est et le futur quartier des Faubourgs.
Avec ces ajustements, la Ville prévoit limiter à un maximum de 2% les impacts de ce règlement sur les coûts de construction des promoteurs immobiliers, contre 4% avec la version précédente de celui-ci.
«On a entendu les préoccupations du secteur immobilier», a affirmé mardi avant-midi la mairesse de Montréal, Valérie Plante, en séance du conseil municipal.
Des craintes qui persistent
L’opposition officielle craint toutefois que ce règlement continue d’engendrer un nombre accru de départs vers la banlieue, surtout de la part de familles qui ne pourront supporter une hausse de leur loyer ou du prix d’achat d’une propriété à Montréal.
«Si ça coûte plus cher, le promoteur va tout simplement prendre ces coûts-là et les refiler aux nouveaux acheteurs. Donc, ça va leur coûter plus cher de loger à Montréal, ce qui va les inciter à partir ailleurs», a affirmé mardi le chef d’Ensemble Montréal, Lionel Perez.
En réplique, l’administration Plante affirme que ce règlement permettra au contraire de rendre la métropole plus accessible à «la classe moyenne et aux familles». Selon les projections de la Ville, celui-ci permettra d’entraîner la construction de 600 logements sociaux et de 500 logements familiaux par année à Montréal.
«Je suis fière de ne pas choisir la petite minorité [de promoteurs], mais d’agir pour le bien commun», a lancé Mme Plante, en accusant l’opposition de «pencher seulement d’un côté».
«Je refuse de laisser tomber la classe moyenne.» -Valérie Plante, mairesse de Montréal
Vision commune
L’opposition, pour sa part, a assuré partager les «intentions» de la Ville quant à l’augmentation du nombre de logements sociaux et abordables à Montréal. Elle demande toutefois à la Ville de trouver des moyens de limiter les risques d’un exode accru des promoteurs et des Montréalais que pourrait selon elle causer ce règlement.
Pour ce faire, elle propose de développer une vision commune en matière d’habitation pour l’ensemble des municipalités membres de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Il s’agit d’ailleurs là d’une recommandation inscrite dans le rapport de l’OCPM sur ce projet de règlement.
«On va juste encourager l’étalement [urbain] avec ce règlement parce qu’on n’a pas une approche CMM», a martelé M. Perez.
«Montréal a l’occasion d’être un leader sur cet enjeu-là, mais elle doit le faire de façon pragmatique», a-t-il ajouté, tout en soulignant qu’«il n’y a pas d’urgence» d’appliquer ce règlement.
«On vit une crise du logement sans précédent», a répliqué le responsable de l’habitation à la Ville, Robert Beaudry, qui n’a pas hésité à qualifier l’opposition de «dogmatique».
Ce règlement devait au départ entré en vigueur le 1er janvier 2021. Il le sera finalement avec trois mois de retard, le 1er avril.