L’ex-directeur adjoint de la police de Montréal, Bernard Lamothe, a remporté une manche dans la cause judiciaire qui l’oppose à la Ville, alors que la Cour supérieure du Québec a tranché qu’il devrait avoir accès aux documents ayant justifié sa suspension, en 2017.
«La majorité des documents et informations concernant Bernard Lamothe doivent être communiqués. Refuser la majorité de ces documents et informations entraînerait comme conséquence de priver les demandeurs du droit d’établir la véracité des faits qu’ils allèguent», tranche la juge Janick Perreault, dans une décision rendue lundi.
En mars 2017, Bernard Lamothe est devenu le premier directeur adjoint du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) à subir une suspension. Celle-ci a eu lieu à la suite d’un reportage de l’émission JE, à TVA, où d’anciens policiers ont accusé les affaires internes du corps de police de malversations. Une équipe mixte, dirigée par la Sûreté du Québec, a alors été mise en place en février 2017 pour mener une vaste enquête.
Une «destitution déguisée»
La suspension de M. Lamothe, qui cumulait alors 28 ans de service, a duré en tout 28 mois. Il apprendra finalement en juin 2019 qu’il se retrouve blanchi de toute accusation à la suite d’une enquête criminelle et disciplinaire.
Bernard Lamothe tente alors de réintégrer le SPVM, mais son nouveau directeur, Sylvain Caron, rejette sa demande. Le corps de police lui proposera ensuite, dans les mois suivants, plusieurs postes. On lui dit qu’il pourrait par exemple intégrer l’Unité permanente anticorruption (UPAC) ou encore devenir cadre au Bureau de l’inspecteur général de la Ville ou au Bureau du taxi de Montréal. M. Lamothe refuse toutefois ces offres.
En février 2020, Bernard Lamothe entame donc une poursuite devant la Cour du Québec pour demander la fin de sa «destitution déguisée» et sa réintégration au sein du SPVM, selon des documents de Cour. Il réclame au passage environ 1,8 M$ en dommages à la Ville de Montréal.
Accès aux documents
En parallèle, Bernard Lamothe s’est tourné vers la Cour supérieure du Québec afin d’obliger la Ville de Montréal à lui fournir de multiples documents reliés à sa suspension du corps de police. Il s’agit notamment de notes manuscrites, de mémos, de lettres et de courriels. M. Lamothe réclame aussi d’avoir accès à son dossier d’employé complet, incluant «le plus récent relevé informatique de promotion et toutes ses évaluations de rendement».
«À ce stade, le Tribunal est d’avis que plusieurs informations demandées sont utiles, appropriées et de nature à faire avancer le débat», a tranché la juge Janick Perreault, lundi.
La juge rejette toutefois certaines demandes de documents effectuées par l’ex-directeur adjoint du SPVM. M. Lamothe réclamait notamment l’accès à «tout document et information de la Ville» le concernant, dont la création a eu lieu entre le 2 mars 2017 et le 16 novembre 2020. Or, une telle demande est «trop vague» ou équivaut à «une partie de pêche», estime la juge.
Des impacts financiers
Alors que ce dossier judiciaire se poursuit sur le fond, Bernard Lamothe continue de recevoir un salaire. Celui-ci a en effet réussi cet été à convaincre la Cour de renverser la décision de la Ville, qui avait d’abord adopté en mai une suspension «sans solde» pour l’ex-directeur du SPVM.
Le directeur du SPVM, Sylvain Caron, n’a pas voulu réagir à la décision de la Cour supérieure, ce dossier étant «encore devant les tribunaux». En marge d’une conférence de presse à l’hôtel de ville, il a toutefois convenu que le fait de continuer de payer un ancien cadre du SPVM alors que celui-ci n’y oeuvre plus depuis un moment représente un fardeau financier pour le corps de police.
«Il y a des choses qui sont prévues par convention [collective] qui font en sorte qu’on se retrouve dans cette situation-là. Ce qu’on veut, c’est de régler cette situation dans les plus brefs délais», a-t-il dit.