Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a remis une amende salée hier soir à un itinérant qui circulait dans l’espace public après 20h, défiant ainsi le couvre-feu en vigueur. L’individu aurait toutefois un passé criminel.
Une personne en situation d’itinérance qui marchait au centre-ville de Montréal après 20h compte parmi les citoyens qui ont reçu une amende de 1550$ avec les frais, dimanche soir. Les agents du SPVM qui ont interpellé l’individu en question ont d’abord tenté de le guider vers un refuge pour sans-abri, en concordance avec les directives du gouvernement Legault dans l’application du couvre-feu pour les personnes en situation d’itinérance.
«La première approche des agents, ce n’est pas de donner un billet. C’est vraiment en dernier recours. Mais la personne ne voulait pas s’aider. On a essayé de trouver des ressources, des endroits où il pourrait loger et tout, mais en dernier recours, il y a un billet qui a été émis à cette personne-là», explique à Métro un porte-parole du SPVM, Jean-Pierre Brabant.
«Il faut comprendre que c’est dans la dernière démarche que le billet a été émis.» -Jean-Pierre Brabant, porte-parole du SPVM
«Inacceptable», selon l’opposition officielle
L’opposition officielle à l’hôtel de ville a vivement déploré la remise d’un constat d’infraction hier soir à un itinérant de Montréal pour non-respect du couvre-feu. Elle presse l’administration de Valérie Plante de «demander des comptes au SPVM» et d’exiger du corps de police qu’il cesse de donner des amendes aux itinérants en lien avec le couvre-feu.
«Je suis très préoccupé d’apprendre qu’une amende a été émise à l’égard d’un itinérant, sachant qu’il n’y a pas assez de lits pour les itinérants […] C’est inacceptable», déplore le chef intérimaire d’Ensemble Montréal, Lionel Perez.
«C’est une situation qui risque de se reproduire», appréhende pour sa part la directrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), Annie Savage. Même si la Ville de Montréal a débloqué des centaines de lits d’urgence pour les sans-abri cet hiver, Mme Savage rappelle que les ressources en place ne répondent pas à tous les besoins spécifiques des sans-abri, notamment ceux qui ont des problèmes de consommation d’alcool ou de drogues.
«Je ne suis évidemment pas surprise, mais très fâchée de ça [la remise d’une contravention à un itinérant de Montréal]. On se serait attendu de la part de notre gouvernement à une exemption pour les personnes en situation d’itinérance parce qu’un couvre-feu ne s’applique tout simplement pas à ces personnes-là», ajoute-t-elle.
De nombreux organismes communautaires tiendront d’ailleurs une conférence de presse au centre-ville, à 18h30, pour s’opposer au couvre-feu et à ses impacts sur les sans-abri et d’autres personnes vulnérables.
Le SPVM fait preuve d’une «grande tolérance», assure la Ville
Appelé à réagir, le cabinet de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, assure que le SPVM fait preuve d’une «grande tolérance» depuis la mise en place du couvre-feu, samedi. Certaines «situations complexes» peuvent toutefois survenir. Dans le cas de l’individu arrêté dimanche, le cabinet souligne que celui-ci a reçu une contravention «dans le cadre d’une intervention criminelle en matière de stupéfiants». Une information qu’a confirmée le SPVM à Métro, en milieu d’après-midi. L’individu en question – qui serait un vendeur de crack – s’est toutefois défini comme étant un itinérant auprès des policiers, indique la corps de police à Métro.
«Par ailleurs, au-delà de cette contravention, rappelons que ce sont 59 personnes en situation d’itinérance qui ont été dirigées vers des ressources par le SPVM sur 122 interventions auprès de cette population au cours du week-end», ajoute le cabinet. Une seule amende a été émise dans le cadre de ces interventions.
Une approche plus coercitive
Pour cette première fin de semaine placée sous le signe de l’application des nouvelles mesures sanitaires, le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) a annoncé avoir émis près de 297 constats sur la période du 4 au 10 janvier. Parmi ceux-ci, 185 sont liés au non-respect du couvre-feu en vigueur depuis samedi soir, dont 103 pendant le premier soir du couvre-feu, samedi, et 82 hier soir.
Le SPVM a annoncé aussi via son compte Twitter, avoir reçu près de 800 appels «en lien avec l’application du décret de la Santé publique». Si le nombre d’appels est inférieur à la semaine passée, les amendes elles sont en forte augmentation. M. Brabant confirme d’ailleurs que le SPVM a commencé à adopter une approche plus coercitive pour faire appliquer les règles sanitaires, après avoir d’abord privilégié la sensibilisation.
«Chaque situation est différente. Mais au moment où je vous parle, c’est sûr que si les gens ne comprennent pas la distanciation sociale, le port du masque ou même le couvre-feu, c’est sûr que des billets vont être émis pour ces gens-là», indique le porte-parole du SPVM.
À l’échelle du Québec, les agents des différents corps policiers ont émis 740 constats d’infraction pour non-respect du couvre-feu.