Montréal

Gestion «mur à mur»: les démissions grimpent en flèche à la STM

ligne rose métro

Le nombre de départs volontaires à la Société de transport de Montréal (STM) a connu une forte augmentation dans les dernières années, démontrent des données inédites obtenues par Métro. Plusieurs syndicats blâment le style de gestion de l’organisation.

À la suite d’une demande d’accès à l’information et après plus d’un mois et demi d’attente, Métro a récemment obtenu les données portant sur les départs volontaires pour toutes les catégories d’emplois à la STM, entre 2016 et 2020.

Celles-ci témoignent d’une hausse constante des démissions au sein de l’organisation. Elles ont ainsi augmenté de 94% entre 2016 et 2019, passant de 87 à 169 départs volontaires.  Une légère baisse des démissions a toutefois eu lieu l’an dernier, alors que 156 employés ont quitté la STM, soit davantage que la moyenne annuelle enregistrée entre 2016 et 2019, qui s’établit à 125 départs volontaires.

Une perte d’expertise

«Je trouve ça inquiétant que notre société de transport, qui gère notre réseau de métro et notre réseau d’autobus, perd de l’expertise comme ça», soulève à Métro le vice-président du Syndicat des employés professionnels et de bureau de la STM (SEPB 610), Benoit Tessier. Ce dernier constate notamment que l’organisation peine à retenir des employés spécialisés qui pourraient jouer un rôle important dans les projets d’expansion du réseau du métro, en raison de leur expertise. Il s’agit notamment d’ingénieurs, d’architectes et de contrôleurs de projets, énumère-t-il.

Pour les professionnels syndiqués, le nombre de départs, qui n’était que de 4 en 2016, a ainsi grimpé à 15 l’an dernier. Une dizaine de contremaîtres ont aussi quitté la société de transport en 2019, contre trois en 2016.

«Ça n’a jamais été un enjeu pour la STM, on dirait, la perte d’expertise. On dirait que pour eux, ce n’est pas important», laisse tomber le président du Syndicat du personnel administratif, technique et professionnel (SCFP 2850), Sylvain Forest. Le nombre de départs parmi ses membres a plus que doublé entre 2016 et 2019, passant de 16 à 34.

Des employés peu mobilisés

Métro a d’ailleurs mis la main sur un document interne qui résume les résultats d’un sondage mené en avril 2019 auprès de 6767 employés de la STM. Celui-ci fait état d’un «indice de mobilisation» des employés de 49%, en baisse de 5% par rapport au sondage précédent, mené en 2016. Parmi les facteurs qui contribuent à réduire l’intérêt de milliers d’employés pour leur travail à la société de transport, on note «la haute direction», des perspectives d’avancement limitées et des enjeux de communication.

«Les processus de dotation sont restreints et très rigides. Ça devient difficile de gravir les échelons […] On dirait que c’est plus facile d’embaucher à l’externe au lieu d’offrir ces postes-là à l’interne. Ça peut inciter des employés à partir ailleurs», constate M. Forest. Ce dernier estime donc que la STM aurait avantage à «faire plus confiance» à ses employés déjà en poste au lieu de «recruter à l’externe» pour des postes convoités au sein de l’organisation.

Du télétravail obligatoire

Benoit Tessier, pour sa part, déplore le «style de gestion» de la STM. Cette dernière envisage notamment d’obliger plus de 2000 employés administratifs à faire du télétravail trois jours par semaine après la pandémie. Elle compte ainsi réaliser des économies en réduisant ses espaces de bureau loués dans la métropole. Or, cela ne fait pas l’affaire de certains syndicats, qui réclament d’avoir le choix de travailler de la maison ou non, au terme de la crise sanitaire.

«Pour les professionnels, ça ne passe pas», tranche M. Tessier. La STM fait quant à elle valoir que la vaste majorité des employés qu’elle a sondés sur la question voient d’un bon oeil cette possibilité.

«Le mur à mur, de considérer que tout le monde est pareil, ça ne fonctionne pas. Se faire traiter comme ça, ça ne donne pas le goût de rester.» -Benoit Tessier, vice-président du SEPB 610

À la STM, on commence à prendre au sérieux ces départs. Métro a appris que l’organisation a entamé une démarche d’analyse des causes des départs volontaires en effectuant des entrevues avec tous les employés qui ont quitté l’entreprise depuis l’an dernier.

«Ayant constaté une tendance à la hausse des départs volontaires dans les dernières années, nous avons souhaité mieux connaître les raisons de ces départs dans le but d’agir de façon proactive sur l’expérience [des] employés et d’apporter des correctifs aux lacunes qui pourraient être soulevées par les démissionnaires», indique à Métro une porte-parole de la STM, Amélie Régis. Un rapport sera d’ailleurs complété cette année à ce sujet.

Plus de démissions en raison de la PCU

L’an dernier, 42 employés d’entretien ont démissionné, un bond de 68% par rapport aux départs volontaires de 2019. Une situation que la STM associe à la Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants (PCUE) mise en place l’an dernier par Ottawa. Ce sont d’ailleurs 25 préposés à l’entretien étudiants ont quitté leur poste l’an dernier.

«Habituellement, les démissions parmi les préposés à l’entretien étudiants sont très rares puisque le salaire offert pour un poste d’été est très compétitif en comparaison du marché. Cependant, comme l’on vécut également bon nombre d’entreprises, certains employés étudiants ont préféré bénéficier de la [PCUE]», indique Amélie Régis.

Le président du syndicat des employés d’entretien de la STM, Gleason Frenette, a décliné notre demande d’entrevue. L’an dernier, des débrayages avaient eu lieu à la suite de la suspension du leader syndical par son employeur. Dans la foulée, la STM avait suspendu ou imposé d’autres mesures disciplinaires à environ 400 employés d’entretien.

Quant aux chauffeurs d’autobus, les départs surviendraient surtout en début de parcours. La STM demande notamment à ses chauffeurs d’effectuer de nombreuses heures supplémentaires en plus d’alterner régulièrement entre des horaires de jour, de soir et de nuit.

«Il y a des personnes qui prennent leurs jambes à leur cou et qui décident que c’est trop difficile, trop désagréable», lance à Métro le conseiller au Syndicat canadien de la fonction publique, Sébastien Goulet.

«Pour ceux qui restent quand même, on sait qu’après quelques années, ils ne partiront presque pas», ajoute-t-il néanmoins.

La STM compte environ 11 000 employés.

Les départs volontaires en hausse à la STM:

Source: données internes de la STM.

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