L’évaluation du prix des maisons a, en moyenne, augmenté de 32,4% pour l’agglomération de Montréal, depuis 2019. Des Montréalais craignent que cette «surévaluation» de la valeur de leur propriété ait un impact sur l’augmentation des taxes foncières et sur la capacité de revente de leur maison. Dans une pétition, ils demandent que l’évaluation foncière soit revue en fonction des données de 2019 et que l’augmentation des taxes foncières soit plafonnée à 2%.
Le rôle d’évaluation foncière rendu public en septembre a été effectué au «sommet d’un boum immobilier», souligne l’une des cosignataires de la pétition, Diane Boivin. C’est-à-dire que l’évaluation de la valeur des propriétés a été effectuée alors que cette dernière était beaucoup plus élevée qu’elle ne l’est actuellement, ce qui constitue un problème, selon elle.
Plus de 1200 personnes ont signé la pétition à ce jour. L’objectif est de recueillir 1500 signatures.
Un rôle d’évaluation foncière, c’est quoi?
Chaque trois ans, toutes les municipalités du Québec font l’évaluation de chaque propriété se trouvant sur leur territoire. Cette évaluation est effectuée 15 mois avant le dépôt de ce qu’on appelle le rôle d’évaluation foncière. Toutes les municipalités du Québec font l’évaluation et le dépôt au même moment.
Cette fois, l’évaluation a donc été effectuée le 1er juillet 2021, et le rôle d’évaluation foncière a été rendu public le 14 septembre 2022. C’est à partir de cette évaluation de la valeur foncière que les gouvernements municipaux détermineront le pourcentage de taxes qui sera prélevé aux propriétaires au cours des trois prochaines années.
Tout cela est légalement obligatoire et régi par le gouvernement provincial.
Cette valeur foncière, bien qu’elle ne soit pas équivalente au pourcentage de taxe qui sera prélevé aux propriétaires, «va affecter la part de taxe qui revient à chacun», confirme le professeur au Département des sciences économiques de l’UQAM, Florian Mayneris. Par contre, «les taxes ne vont pas augmenter au même pourcentage pour tout le monde», rectifie-t-il.
C’est l’écart entre la valeur évaluée d’une habitation et la moyenne qui déterminera le pourcentage de taxe qui sera prélevé au propriétaire, explique le directeur des affaires publiques de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), Marc-André Plante.
Il y a toujours des perdants et des gagnants dans un rôle d’évaluation foncière.
Marc-André Plante, directeur des affaires publiques de la CORPIQ
Il rappelle aussi que les propriétaires ont le pouvoir de contester l’évaluation de la valeur de leur propriété et les encourage «à faire valoir ce droit». Le souci, c’est que pour une propriété dont la valeur est évaluée entre 500 000 $ et 2 M$, contester l’évaluation coûte 300 $. Pour une propriété dont la valeur estimée ne dépasse pas 500 000 $, le coût de la contestation est de 75 $. De moins en moins de propriétés coûtent moins de 500 000 $, rappelle toutefois M. Plante.
Méthode contestée
La méthode de calcul du rôle d’évaluation foncière s’avère «inique et indéfendable», jugent les cosignataires de la pétition. «C’est vraiment abusif de faire une évaluation de la valeur foncière en se basant sur le sommet d’un boum immobilier» juge Diane Boivin, qui qualifie de «fictive» l’évaluation actuelle des valeurs des propriétés.
Avec la menace d’une récession qui approche, explique Mme Boivin, la valeur des propriétés risque de descendre encore plus qu’elle ne l’a déjà fait au courant des prochaines années, alors que les taxes foncières auront été calculées en fonction d’une «irrégularité» du marché immobilier. De plus, «la banque centrale a annoncé une augmentation des taux d’intérêt et des hypothèques». Le tout s’inscrit également dans un contexte de crise du logement.
«Ce n’est pas parce que vous êtes locataires que vous n’allez pas être affecté [par une potentielle hausse des taxes foncières]», confirme M. Mayneris.
Vous pensez qu’ils vont faire quoi, les propriétaires, si leurs taxes augmentent? Bien, ils vont faire augmenter les loyers l’année suivante.
Diane Boivin, cosignataire de la pétition
Les taxes foncières, donc les taxes prélevées aux propriétaires immobiliers, représentent 60% des revenus de la Ville, rappelle Marc-André Plante. Cela «fait reposer un poids incroyable sur les propriétaires». Il juge d’ailleurs que ce rôle d’évaluation foncière «fait ressortir les difficultés et les problématiques d’un système de taxation basé sur la richesse foncière».
Le problème avec cette pétition, c’est qu’elle s’adresse à la Ville, identifie M. Mayneris. Or, le moment auquel les municipalités doivent effectuer l’évaluation foncière est fixé par la loi provinciale d’évaluation municipale. Selon lui, la deuxième demande formulée n’est pas celle qui permettrait de contrer la hausse des taxes.
Mais les signataires voient plus large. Mme Boivin explique que «revendre une maison surévaluée, c’est extrêmement difficile. On ne pourra pas vendre à ce prix-là».
Dans le cas de sa propriété de Côte-des-Neiges, qu’elle donne comme exemple, l’évaluation de son prix a augmenté de 47% depuis l’évaluation foncière de 2017. «Aucune rénovation importante n’a été effectuée. C’est exactement la même chose qu’en 2017», précise-t-elle. Il s’agit d’un deuxième étage de duplex.
Pour la CORPIQ, l’enjeu «va au-delà du rôle d’évaluation foncière». Elle demande «une révision complète de la fiscalité municipale dans son ensemble» puisqu’il y aurait «un enjeu de dépendance de la Ville sur la hausse de la valeur des habitations». Elle rappelle que les enjeux liés à la fiscalité municipale relèvent du ministère provincial des Affaires municipales et de l’Habitation.