Des parents, des professeurs et des élues de l’opposition à l’Assemblée nationale veulent sauver le Service de soutien pédagogique à l’intégration des élèves handicapés physiques (SSPI), lequel est menacé de fermeture. Une pétition pour faire annuler la décision du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM) a même été lancée à l’Assemblée nationale.
Le SSPI est composé de 22 professeurs orthopédagogues dits «itinérants», qui se promènent d’école en école pour passer une ou deux heures en intervention avec des élèves en situation de handicap.
Le but de ce service est de réduire l’écart entre ces élèves et ceux n’ayant pas de handicap physique, en plus de les intégrer dans des écoles régulières. Quelque 250 élèves bénéficient actuellement du soutien offert par le SSPI. Ils étudient dans 80 écoles du CSSDM, lequel a annoncé la réaffectation des 22 orthopédagogues du SSPI en février dernier.
La députée solidaire de Mercier, Ruba Ghazal, souhaite déposer une pétition au Salon bleu le 13 avril dans le but de convaincre le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, d’empêcher la suppression du service.
«Selon le centre de services scolaire, le service n’est pas aboli, mais réorganisé», a répondu le ministère de l’Éducation lorsque Métro l’a questionné à ce sujet. Il ajoute également que «selon la Loi sur l’instruction publique, il appartient aux centres de services scolaires de pourvoir à l’organisation de leur service».
L’Alliance des professeures et professeurs de Montréal (APPM), qui s’était positionnée contre cette abolition lors de son annonce, salue le geste de Mme Ghazal. Des orthopédagogues, des parents d’élèves et d’anciens élèves font preuve d’une grande mobilisation devant l’abolition de ce service, en place depuis 42 ans.
Des échos au Salon bleu
La députée solidaire Ruba Ghazal, qui a choisi d‘appuyer cette pétition pour les parents d’élèves en situation de handicap bénéficiant ou ayant bénéficié du SSPI, qualifie l’abolition du service de «décision comptable, mathématique et froide».
Ce n’est pas la première fois qu’une élue de l’Assemblée nationale dénonce la fin de ce service. La députée libérale Marwah Rizqy s’y est aussi opposée. «Abolir un service qui fonctionne bien depuis plus de 42 ans sans même faire une analyse d’impact est irresponsable», a-t-elle déploré lorsque Métro l’a questionnée.
Cette décision aura des conséquences sur la réussite d’élèves déjà vulnérables. Lorsqu’un service fonctionne, on ne l’abolit pas, on le multiplie.
Marwah Rizqy, député de Saint-Laurent pour le Parti libéral du Québec
Ruba Ghazal tient sensiblement le même discours et souligne que «rien n’empêche d’améliorer ce service».
Elle critique également le CSSDM pour son refus de changer sa décision, et ce, «malgré le fait qu’il y a un consensus dans le milieu de l’enseignement que c’est une mauvaise décision lourde de conséquences pour les élèves, les profs et les parents».
Les membres des oppositions à l’Assemblée nationale ont tenté de convaincre le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, d’empêcher l’abolition de ce service spécialisé. Selon la députée de Québec solidaire, il «gobe tous les arguments comptables et inhumains du CSSDM».
«Je ne pense pas que le CSSDM ment, assure Mme Ghazal, c’est juste qu’ils n’étaient pas vraiment au courant de ce qui se faisait avec le SSPI.»
L’élue solidaire ainsi que l’APPM ont tenu à rappeler que ces orthopédagogues ont développé «une expertise unique». À l’annonce de leur réaffectation, quelques-uns auraient assuré préférer partir à la retraite ou encore aller travailler ailleurs si l’abolition avait bel et bien lieu.
Le CSSDM ne bronche pas
Le CSSDM maintient sa position et explique l’opposition au projet d’abolir le SSPI par un enjeu de mauvaise communication. «On est un peu en rattrapage du côté de la communication», admet le directeur des services éducatifs, Benoît Thomas.
Selon lui, il faut apporter des changements au modèle actuel. Le CSSDM dit «se rendre compte» que les besoins sont multiples et que la réponse est «unique et non différenciée».
«On offre uniquement de l’orthopédagogie, alors que les besoins des élèves sont plus multiples, explique-t-il. Pour certains élèves [bénéficiant du SSPI], il n’y a même pas d’enjeux d’ordre pédagogique.»
La fréquence du service offert par le SSPI ne serait pas non plus appropriée aux besoins des jeunes. Le directeur des services éducatifs martèle que les services offerts seront «en réponse aux besoins des élèves».
On n’annonce pas une coupure de service, on annonce une réponse plus adéquate et un meilleur jumelage entre le personnel et les besoins des élèves.
Benoît Thomas, directeur des services éducatifs
Au sujet de l’expertise des orthopédagogues qui seront réaffectés, il s’agirait en fait d’un «entraînement au niveau technologique, défend-il. Un orthopédagogue dans une école peut faire ce travail-là. L’expertise ne sera pas perdue».
Enjeu de personnel ou non?
La présidence du comité exécutif de l’APPM, Catherine Beauvais-Saint-Pierre, qualifie cette décision du CSSDM d’irresponsable puisqu’elle aurait été «prise sans consultation» auprès des personnes impliquées.
Ce qu’on n’achète pas comme argument de la part du CSSDM, c’est qu’on veut bonifier le service, alors que ce qu’on a là est excellent.
Ruba Ghazal, députée de Mercier pour Québec solidaire
Selon la présidente de l’APPM, «la décision [du CSSDM] vient du fait qu’il y a une pénurie d’orthopédagogues et de profs». Selon son interprétation, on voudrait couper le service pour combler des trous dans les écoles.
Benoît Thomas indique que le CSSDM devrait rencontrer les syndicats impliqués la semaine prochaine. «On va pouvoir regarder les améliorations à faire pour que le service soit encore plus bonifié», dit-il.
Il assure également qu’une analyse avait été effectuée avant que la décision d’abolir le SSPI soit prise.