Un ancien employé de la Ville de Montréal demande à la police d’ouvrir une enquête criminelle sur des actes posés à son encontre par un ou des employés de l’organisation municipale. Carl Moïse, accompagné de la Coalition rouge, a déposé, mercredi, une plainte formelle au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) 15 ans après les faits.
«J’ai parlé au policier qui a reçu ma plainte et il m’a dit: c’est quand même très loin, ça me surprendrait qu’on soit capable d’aller loin avec ça, mais ça laisse entendre qu’il y a une problématique», dit-il en entrevue avec Métro.
À la défunte fourrière municipale de la rue Louvain Est à Montréal, Carl Moïse, qui occupait le poste de chef de section des opérations au service de l’environnement, dit en avoir vu de toutes les couleurs en matière de discrimination avec ses collègues entre 2006 et 2008.
Un soir, alors qu’il finit son quart de travail, M. Moïse prend sa voiture en direction de chez lui et sent que le véhicule branle. En pleine heure de pointe, il fait du pare-chocs à pare-chocs jusqu’à ce qu’à une plus grande vitesse, il sente que la voiture va déraper. Il se range sur l’accotement de l’autoroute afin de vérifier ses roues. C’est alors qu’il se rend compte que ses roues avant ne tiennent qu’à un filetage.
Muselage
M. Moïse croit à un sabotage depuis son lieu de travail et en parle à son superviseur le lendemain. Ce dernier minimise l’acte en lui disant qu’il «n’est pas le seul à qui ces choses-là arrivent. C’est la culture de la Ville et si tu veux travailler longtemps ici, il va falloir que tu t’y adaptes».
De plus, selon ses dires, le superviseur en question lui demande fortement de ne pas en faire mention à qui que ce soit et d’agir comme si rien ne s’était produit. «C’est ainsi que tu te ferais oublier et que les employés finiraient par vous accepter», aurait-il ajouté.
Il faut noter que, quelques jours auparavant, sur un babillard de sa section, son adresse personnelle, ainsi que des images de singes et des photos de ses enfants, entre autres, ont été affichées et que des collègues riaient devant lui de cela.
Peur de se faire attaquer chez lui
N’ayant pas reçu l’écoute et le soutien nécessaires au travail, dans le but de protéger sa famille, Carl Moïse est allé voir la police de Saint-Eustache, où il habitait, pour demander plus de protection.
À cette période-là, j’avais du mal à dormir, car je craignais de me faire un jour attaquer par des employés ou par des personnes envoyées par le syndicat. À cette époque-là, de fortes rumeurs couraient à l’effet que c’était la façon dont les employés syndiqués réglaient leur compte.
Extrait de la plainte de Carl Moïse au SPVM
«Il y a un gestionnaire qui était là et qui m’avait déconseillé d’en parler. J’estime que l’organisation n’a pas pris ses responsabilités», dénonce M. Moïse. Outre la Ville, il dit détenir cinq noms d’anciens collègues qui sont aujourd’hui soit retraités, soit toujours à l’emploi de la Ville qu’il va pouvoir soumettre à l’enquêteur au dossier.
«Il a donné un nom à la police, indique Alain Babineau de la Coalition rouge. Il y a quelqu’un qui sait quelque chose.» M. Babineau ajoute par ailleurs qu’il «regarde comment [la plainte] pourrait être fait[e] au niveau civil».
Ne pas pouvoir parler de ce qu’on subit
Ce cas en particulier a duré trois ans, jusqu’à ce que Carl Moïse soit transféré à la section Environnement en 2009. Après, il y a eu une période de tranquillité pour lui. Mais entre 2016 et 2020, année de cessation de son emploi à la Ville, Carl Moïse a encore vécu l’enfer, pour d’autres raisons cette fois. Mais, en raison d’une entente de confidentialité que la Ville lui a fait signer, il ne peut pas en parler publiquement.
«La Ville m’a envoyé, il y a huit mois, une lettre pour me rappeler l’entente de confidentialité et, si je ne la respectais pas, qu’ils allaient intenter des poursuites contre moi, ce qui montre qu’il y a anguille sous roche», souligne-t-il.