Les jeunes de la rue, les voyous et les «irrécupérables», Ali Nestor Charles ne les laisse pas tomber. Dans son école de boxe et d’arts martiaux, il les aide à canaliser leur colère et à gagner de l’estime de soi.
«Grâce à la boxe et aux arts martiaux, ils se défoulent, explique le propriétaire de l’Académie Ness Martial et le fondateur de l’organisme Ali et les princes de la rue. Par la suite, c’est beaucoup plus facile pour les jeunes de s’exprimer et d’expliquer leur parcours.»
Ces jeunes sont référés par les centres jeunesse ou ils débarquent à l’école d’Ali Nestor Charles grâce au bouche-à-oreille.
«Quand les jeunes viennent ici, soit qu’ils sont tannés d’être victime, soit qu’ils sont tannés de faire des victimes, rapporte le maître d’art martiaux. S’ils veulent se tirailler ou se battre, ils peuvent le faire ici, avec un encadrement.»
Des écoles secondaires et des travailleurs sociaux recommandent des jeunes à Ali Nestor Charles pour qu’ils puissent évacuer leur trop-plein de rage. «Les écoles voient un changement, mais ça ne se fait pas du jour au lendemain.»
Ali, un modèle
Métro a rencontré Ali Nestor Charles dans son école de la rue Jarry. Une dizaine d’enfants inscrits au camp de jour de l’école d’arts martiaux rigolaient, non loin d’une poignée d’abonnés qui s’entraînaient sur un punching bag ou dans le ring. Dans ce gymnase tapissé d’articles de journaux et d’affiches de boxe, tout le monde connaît Ali. Un lui demande un conseil, l’autre lui sert la pince, et un gamin lui offre des bonbons.
Ali est un modèle pour eux. Pour les uns, il est le triple champion de boxe chinoise – un dérivé du kung fu – qui livre toujours des combats dans le ring pour le plaisir. Pour d’autres, il est celui qui a fondé une école d’entraînement physique atypique après s’être sorti des griffes des gangs de rue.
«Avant, j’évitais toujours de raconter mon passé. Quand j’ai ouvert l’école, des jeunes et des parents qui s’entraînaient ici ne connaissaient pas mon passé.»
La vérité au grand jour
Il a fait son coming out à ce sujet dans le documentaire que le chanteur Dan Bigras a réalisé en 2002, Le ring intérieur. Dès sa sortie, Ali Nestor a eu peur que ses élèves désertent son école.
«Certaines personnes sont parties, relate-t-il C’est sûr que les parents vont toujours penser à protéger leur enfant avant tout, mais il y en a qui avaient des préjugés.» D’autres lui on posé des questions sur son passage dans un gang de rue et lui ont demandé s’il était toujours engagé dans le monde interlope. Ali Nestor Charles, aujourd’hui âgé de 34 ans, est sorti du monde criminel à l’âge de 18 ans et a eu la chance de ne pas y retourner.
«Quand tu décides de quitter un gang, tu es seul, raconte-t-il. La société ne veut pas de toi parce que tu a été membre des gangs de rue. Tu as quitté ton groupe, alors il va tenter de te faire du mal. Les groupes rivaux savent que tu n’as plus de protection, alors ils vont eux aussi chercher à te faire du mal. La police va essayer d’aller te chercher pour que tu deviennes délateur. Donc, tu te retrouve seul. Il y a beaucoup de gens qui sont retournés dans les gangs à cause ça.»
La renaissance
Ayant toujours été fasciné par Bruce Lee, Jackie Chang et Chris Norris, Ali Nestor Charles s’est réfugié dans les arts martiaux pour ne pas céder à la tentation. Dans cette passion, il a découvert le plaisir de transmettre son savoir aux néophytes. Et aujourd’hui, c’est ce qui l’anime par-dessus tout. «Aider quelqu’un, c’est extrêmement gratifiant», dit-il. Il aide ainsi des jeunes de la rue, des voyous et des «irrécupérables» à ne pas se retrouver en fauteuil roulant, dans une cellule de prison ou six pieds sous terre comme certains de ses anciens amis.