Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne verte du métro, direction Honoré-Beaugrand. Nous sommes vendredi, il est 20 h 40.
La dame n’a pas d’âge. Elle pourrait avoir n’importe quoi entre 28 et 42 ans. Il est franchement de plus en plus difficile de deviner, même en estimant large, l’âge d’une jeune fille ou d’une femme.
Une excellente hérédité, toutes ces crèmes ultraperformantes et proportionnellement onéreuses, et aussi parfois un petit coup de pouce pour tromper le temps qui passe sont des facteurs qui nous confondent.
Ainsi, cette dame, vous l’aurez compris, me laisse perplexe quant au chapitre de vie qu’elle traverse. C’est aussi pour cette raison que le gros sac LA BELLE MARIÉE qui est posé à ses côtés, m’amène à spéculer dans tous les sens. Vu l’opacité dudit sac, je ne peux voir son contenu. Seulement imaginer une tenue des plus chics pour souligner l’heureux événement pour lequel elle agira à titre de demoiselle d’honneur? Soeur de la ou du marié(e)? Amie proche ou, pourquoi pas, la mariée elle-même?
J’essaie de voir si elle a déjà la bague au doigt. Ses mains croisées sur son genou droit m’empêchent de voir.
Idem pour son regard tourné vers la fenêtre. Je suis incapable de voir si elle a dans l’œil cette lumière propre à ceux qui s’apprêtent à convoler; une lueur qui traduit à la fois l’épanouissement, la plénitude, mais aussi un vertige bien légitime face à un saut de cette envergure.
Elle décroise finalement les mains. Pas de bague! Elle détourne son attention de la vitre, dévoilant ainsi ses yeux qui, comme son âge, baignent dans le flou.
Arrive son arrêt. Elle empoigne le gros sac et descend. Je la regarde s’éloigner sur le quai. Je peux presque entendre une ribambelle de boîtes de conserve vides et de rubans qu’elle traînerait derrière elle. J’espère, peu importe le rôle qu’elle tiendra, que comme la mariée, cette journée soit des plus belles.