Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne verte du métro, direction Angrignon. C’est jeudi, il est 11 h 20.
Je suis absorbée dans ma lecture, quand une présence m’extrait de l’île suédoise où je me trouve depuis quelques paragraphes.
Une femme, grande, aux cheveux longs et noirs, vêtue d’un manteau tout aussi noir, vient d’entrer. Elle porte aux oreilles, à la bouche et au nez des bijoux délicats. Elle est légèrement maquillée. Impressionnante par sa stature, son allure et l’atmosphère qu’elle dégage.
Je sais. C’est étrange d’évoquer une atmosphère pour décrire quelqu’un. Mais souvent, au-delà des états d’âme, les êtres comme les saisons proposent leurs climats.
J’observe donc cette personne pour réaliser que, en fait, elle pourrait être un homme. Je m’étonne de devenir soudainement intensément désireuse de connaître le genre de cet individu. Il est momentanément déstabilisant pour moi de ne pas savoir définir si cette femme est un homme, si cet homme est une femme, ou un peu des deux, ou aucune de ces réponses. Comme si le sexe d’une personne devait être aussi précis que l’heure qu’il est. J’ai continué à l’observer, fascinée comme le serait une ornithologue devant un oiseau rare, digne et majestueux. Je ne sais pas à qui j’ai affaire, mais je décide de quitter la zone floue de l’inconfort pour gagner celle de l’admiration. Cet être assume qui il est avec toute la conviction et le naturel du monde, parce qu’IL, ELLE ou AUTRE sait tout à fait qui ELLE, IL ou AUTRE est.
L’été dernier, l’État de Galles du Sud a reconnu officiellement la première personne «neutre». Cette neutralité a été octroyée à un citoyen de 52 ans né homme, qui avait changé de sexe pour devenir femme à l’âge de 28 ans, pour ensuite arrêter ses traitements et se définir comme «non-genre». Toujours l’été dernier, l’Australie a permis aux citoyens de se définir comme femme, homme ou transgenre sur les documents officiels.
La saison estivale 2013 aura donc vu le monde changer. Même si cette avancée est circonscrite dans une réalité géographique bien précise, il reste que c’est ainsi que les choses bougent. Que les horizons s’ouvrent. Que la liberté devient non seulement une notion et un but à atteindre, mais une option. Un droit. Celui d’être en paix avec qui on est, peu importe la case à cocher.