Montréal

L’appartement

Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Ligne verte du métro, direction Angrignon. Nous sommes mardi, il est 16h10.

«Non mais ils sont tombés sur la tête!» La jeune fille est indignée. Elle s’adresse à une amie qui, de toute évidence, lui donne entièrement raison. Elle opine de la tête énergiquement et son chignon rebondit au rythme des propos scandalisés de sa copine.

«Sept cent cinquante dollars par mois pour un deux et demi pas chauffé!»

Je comprends rapidement que la demoiselle n°1 cherche un logement. Idéalement près de l’université où elle semble étudier la photographie. C’est ce que je conclus en observant un grand portfolio en cuir noir dont elle tient la poignée d’une main, et la caméra portée en bandoulière, munie d’un téléobjectif spectaculaire qui pourrait certainement, de la terre, immortaliser l’intérieur des cratères lunaires.

«J’suis une artiste moi! Pas une rentière! C’est pas réaliste pour une étudiante de payer un loyer aussi cher! Pis comment veux-tu avoir une coloc dans un deux et demi!?» Elle avait là un point.

La demoiselle n°2 l’invite prudemment à, peut-être, considérer un autre quartier. La réalité des divers secteurs de la ville bouge sans cesse. Je me souviens, par exemple, du ghetto McGill qui a migré, il y a moins de 10 ans, vers le Mile-End. Notamment une diaspora canadienne-anglaise venue des Prairies ou encore des Américains de la côte est, qui ont franchement changé le paysage de ce quartier. Maintenant, ce secteur branché de notre ville rappelle Brooklyn, sans la vue imprenable sur le skyline de Manhattan.

Ces raz-de-marée métropolitains sont intéressants, et il est fascinant de voir comment le visage de la ville change. Parfois pour nous sourire et, à d’autres moments, pour nous faire des grimaces. Comme celle qui se forme sur le visage de l’artiste-étudiante.

«C’est ça. Je vais aller vivre à Saint-Jérôme! répond-elle avec cynisme. Comme ça, pour 750$ par mois, j’aurai sûrement un penthouse chauffé avec une terrasse et une piscine creusée sur le toit.»

On aborde le quai. Les portes s’ouvrent. Le chignon rebondissant et la sans domicile fixe sortent à Guy-Concordia. Les portes se ferment alors qu’elles s’éloignent.

On ne connaît pas la suite pour cette jeune photographe. Elle non plus ne sait pas quelle sera sa réalité dans l’avenir. Mais présentement, ce qu’elle sait, c’est que malheureusement, les loyers du centre-ville sont pour elle inabordables. Y a pas photo!

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