Chaque mardi, la journaliste et animatrice Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.
Ligne orange du métro, direction Montmorency. Nous sommes mercredi, il est 14h10.
On pourrait se figurer le chaos, qui occupe une grande partie nos trépidantes vies citadines, comme une grosse masse ébouriffée qui prend toute la place. Une tempête bruyante d’heures de pointe, de chantiers de construction et de chorale de klaxons qui nous fait oublier à quoi ressemble le calme. Il faut que ce chaos s’absente pour qu’alors la douceur puisse déployer ses voiles diaphanes. Ce qui est légitime, car comment entendre un bruissement subtil lorsque grogne l’orage?
En ce début d’après-midi, justement, dans ce wagon, il ne se passe rien d’extraordinaire. En fait si: tout est doux. Une langueur gracieuse plane. Le désordre est au garage et a laissé toute la place au silence.
C’est frappant à quel point aucun des usagers faisant partie de ce voyage ne déroge à la quiétude ambiante. Personne ne hausse le ton ni ne laisse ses écouteurs cracher une musique intense. Aucun passager ne manipule compulsivement une console de jeux portative.
Nous sommes une vingtaine, assis sagement, certains le nez dans un livre, d’autres regardant les quais se succéder au travers des vitres. Ceux qui sont à deux se permettent de chuchoter entre eux pour ne pas briser cette accalmie.
On dirait que nous avons tous conscience de cette trêve qui ne saura durer bien longtemps. Dès que nous remonterons à la surface de la terre, dès que nous foulerons les rues, peu importe le quartier, nous reprendrons le rythme qu’impose la cadence effrénée de notre ville. Ce wagon devient momentanément une oasis. Un terrier feutré.
Il serait merveilleux que, de temps à autre, des wagons consacrés au silence accueillent des individus qui fuient le brouhaha et qui profitent de leurs déplacements pour faire le plein de tranquillité.
Je sais bien que c’est utopique. Je sais aussi que les licornes n’existent pas et qu’Elvis n’est plus de ce monde. Alors il reste à savourer ce moment de calme rare et à profiter du repos qu’offre la beauté calme.