MONTRÉAL – Après avoir été tolérée pendant près de quatre heures, l’occupation du pavillon J.-A.-DeSève de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) a pris fin en début de nuit, jeudi, après une intervention musclée du Service de police de la Ville Montréal (SPVM).
La police a donné l’assaut contre les occupants un peu après minuit. Plusieurs agents du SPVM ont alors fait un énorme trou dans une vitrine de l’entrée du pavillon afin de pénétrer dans le bâtiment, dont les portes avaient été bloquées avec de multiples objets.
Les occupants, qui souhaitaient dénoncer l’arrestation de 22 personnes par le SPVM plus tôt en journée, ont alors fui à l’extérieur du pavillon en empruntant une sortie à l’arrière du bâtiment.
Certains manifestants plus radicaux ont à ce moment décidé de s’en prendre à des véhicules de police. Un panneau de signalisation a entre autres été lancé dans le pare-brise d’une camionnette du SPVM, alors que quatre autres véhicules ont subi des dommages divers.
Quelques dizaines de manifestants ont ensuite emprunté la rue Sainte-Catherine en direction est, où ils se sont emparés de tout objet pouvant être lancé sur la voie publique.
Des dizaines de poubelles ont été lancées dans la rue, des bacs à fleurs ont été arrachés et des panneaux de signalisation ont été utilisés pour bloquer la circulation, notamment.
Ces auteurs d’actes de vandalisme ont été poursuivis pendant de longues minutes par des policiers qui ont notamment fait usage de gaz lacrymogène et de gaz de poivre pour les disperser.
Une centaine de manifestants venus soutenir les occupants à l’extérieur ont aussi été dispersés à l’aide de gaz lacrymogène, rendant l’air irrespirable dans une large portion d’un centre-ville de Montréal méconnaissable.
Certains manifestants ont dénoncé les actes de violence de leurs comparses, tout en se questionnant sur la stratégie policière.
«Le SPVM a laissé une dizaine de voitures de police à quelques mètres de la sortie arrière. La police savait qu’elle allait être ciblée par des radicaux. Pourquoi avoir laissé les véhicules à cet endroit?», s’est questionné une étudiante refusant de s’identifier.
Le bilan préliminaire de la police faisait état en début de nuit d’une agression armée sur un policier, ainsi que de quatre interpellations en vertu d’un règlement municipal ou du Code de sécurité routière.
Atmosphère bon enfant au départ
La décision d’occuper l’UQAM a été prise par un groupe d’étudiants qui n’ont pas digéré la décision des dirigeants de l’université de demander à la police de faire respecter l’injonction obtenue pour la poursuite normale des activités de l’institution d’enseignement.
En début de soirée, une délégation comptant des étudiants et des chargés de cours avait tenté de convaincre le recteur Robert Proulx de renoncer à l’injonction empêchant les étudiants grévistes de lever les cours et de cesser de faire appel aux forces policières à l’intérieur de l’UQAM.
Selon une des membres de cette délégation, Sandrine Ricci, chargée de cours au département de sociologie et étudiante en doctorat, le recteur a exprimé une fin de non-recevoir à ces demandes.
Le refus du recteur a provoqué la colère de l’assistance qui a voté en faveur de l’occupation nocturne du pavillon au cours d’une assemblée improvisée.
«Faire entrer des policiers sur un terrain universitaire, ça ne se fait pas. Les gens sont réunis pour protester et se réapproprier un lieu d’enseignement. C’est la façon pour les étudiants de réparer un tort qui a été causé», a expliqué Powen Alexandre, un étudiant qui tenait à expliquer la démarche d’occupation de ses collègues.
Entre 21 heures et minuit, une atmosphère bon enfant a régné à l’intérieur du pavillon. Mais pendant que la plupart des étudiants dansaient, mangeaient et discutaient, une minorité masquée s’est mise à barricader le pavillon avec différents objets ou à poser des gestes de vandalisme.
Ainsi, des bureaux de l’UQAM ont été vandalisés, des graffitis ont été faits sur de nombreux murs, des machines distributrices ont été dévalisées et des caméras de sécurité ont été arrachées.
Peu avant 22h00, le recteur a publié un communiqué pour justifier sa décision de faire appel aux policiers. «Les agissements observés (mercredi), qui sont l’œuvre d’une minorité, sont inacceptables et l’université les condamne avec force. C’est en gardant à l’esprit sa responsabilité à l’endroit de la sécurité des personnes qu’elle a pris la décision de demander l’assistance du SPVM», a-t-il écrit.
Après avoir expliqué ses raisons, M. Proulx a dit souhaiter que la communauté universitaire oeuvre «collectivement à un retour rapide au calme sur (le) campus».
Olivier Grondin, un manifestant présent à l’extérieur du pavillon J.-A.-DeSève ne croit pas en la bonne foi du recteur.
«Plusieurs condamnent les gestes des étudiants, mais on ne parle pas des phénomènes à l’origine de ces gestes. Il y a une dérive autoritaire par les dirigeants de l’UQAM, qui ne consultent pas les comités étudiants et les professeurs. L’administration a décidé d’entrer en conflit avec la communauté, pourquoi cette rupture? Il y a des motivations politiques, selon nous», a-t-il dit, quelques instants avant l’intervention policière.
Les interventions policières de l’après-midi et du début de nuit de jeudi ont été menées à la demande de l’UQAM selon ce qu’a indiqué le porte-parole du SPVM, Jean-Bruno Latour.
Quant aux demandes faites par certains manifestants à l’UQAM en faveur de la libération des personnes arrêtées, la machine judiciaire demeure en marche.
«Ceux qui ont été arrêtés seront libérés au cours de la soirée avec promesse de comparaître en cour et sous conditions. Le processus va suivre son cours. La justice et la police sont totalement indépendantes des discussions qui pourraient y avoir à l’intérieur de l’UQAM», a ajouté M. Latour.