Si le métro de Montréal vivait une panne totale d’une heure comme son homologue torontois il y a quelque temps, ce serait environ 100 000 usagers qui pourraient se transformer en autostoppeurs. Métro a donc décidé de tester le potentiel de Montréal en matière d’autostop. Le défi: se rendre au boulot avec pour seul outil (ou presque) un pouce.
Avant de se lancer, on a passé deux coups de fil. Le premier au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) pour savoir si c’était légal. En gros, ça l’est, sauf sur les bretelles d’autoroute, sur la chaussée et les terre-pleins centraux des boulevards.
Le second, pour recevoir des conseils d’un pro, le Français Ludovic Hubler qui a parcouru 59 pays grâce à 1300 conducteurs d’autos et de bateaux. «Applique la méthode PPPPS: Propre-Poli-Patient-Persévérant-Souriant», conseille-t-il.
Chaque jour, 1,5 million de déplacements en auto ont lieu dans la métropole, avec un taux de 1,2 personne par véhicule, selon l’Agence de transport de Montréal. Ça laisse de la place pour un autostoppeur, ça!
Mais pour augmenter nos chances, on a acquis une ardoise pour indiquer notre destination, et on s’est installé sur le boulevard René-Lévesque, près d’un feu de circulation. Vingt minutes plus tard, on était déjà capable de blasphémer à l’intérieur tout en souriant à l’extérieur! Et au bout de 30 minutes, la persévérance avait pris le bord. Même topo pour le retour à la maison. STM 2: Autostop 0.
Le lendemain, on a opté pour un axe moins rapide (rue de Maisonneuve) et prié pour que la pluie fine suscite la pitié des automobilistes. Pas du tout! On abandonne l’expérience après deux jours en comprenant pourquoi Ludovic Hubler n’a jamais fait de pouce en ville durant son périple.
D’ailleurs, même la Société de transport de Laval (STL) se casse jusqu’ici les dents, faute de volontaires pour son système Écoboulot.
Ce programme d’autopartage lancé en mars offre pourtant une camionnette à six possesseurs d’une passe mensuelle de la STL ayant désigné un chauffeur pour les transporter jusqu’à leur lieu de travail chaque jour.
Pourtant, pouvoir compter sur l’autostop, même de façon ponctuelle, serait intéressant pour la ville de Montréal si la Société de transport de Montréal vivait un arrêt total du réseau de métro durant une heure, comme à Toronto il y a trois semaines.
Cela représenterait à environ 125 000 usagers qui seraient refoulés. Si l’on prend en compte la capacité d’absorption des autobus, des 5200 BIXI, des 4400 taxis et des quelque 600 autos en libre-service, il resterait quand même environ 100 000 auto-stoppeurs potentiels à la recherche d’un véhicule.
Les leçons du maître
Quels sont les 10 moments marquants de ces 170 000km?
Être cuistot sur un bateau vers l’Antarctique. Donner ma première d’une série de 800 conférences sur l’importance de réaliser ses rêves en Équateur. Jouer à la PlayStation avec des Cris du Nord-du-Québec. Manger du kangourou avec des Aborigènes du fin fond de l’Australie. Rencontrer ma future épouse au Panama. Discuter de laïcité avec 100 filles voilées d’une école coranique d’Indonésie. Faire rire les enfants cancéreux de mon village de France avec mon histoire de poursuite par un varan de Komodo. Raconter au dalaï-lama comment j’ai traversé le Tibet sans permis spécial et malgré l’interdiction de faire du stop. Dormir avec une famille d’intouchables dans les rues de Calcutta. Marcher dans Kaboul la nuit, la peur au ventre, pour rentrer me coucher. Et finalement, après cinq ans de voyage, lancer la plateforme Travel with a Mission pour mettre en contact les voyageurs.
Comment a évolué votre vision du monde depuis?
Avant, j’avais une vison étriquée. Aujourd’hui, quand je lis un article sur le Nicaragua, je suis capable de comprendre les enjeux, de lire entre les lignes et d’avoir des images et des témoignages qui me reviennent en tête. Ça me permet aussi de relativiser bien des choses. L’une des principales leçons de ce voyage, c’est que les gens sur la planète sont en très grande majorité honnêtes et sympas, contrairement à ce qu’on peut voir au téléjournal. Au Pakistan et en Afghanistan, j’ai été admirablement accueilli. Et si je devais décerner la palme de l’hospitalité, elle reviendrait aux Iraniens. Je me sens aussi mieux connecté face aux défis de la planète, qu’ils soient sociaux, géopolitiques ou environnementaux.
La popularité de l’autostop baisse-t-elle avec l’augmentation de la richesse d’un pays?
Les explications varient selon les pays. En France, l’essor du covoiturage, avec des sites internet comme Blablacar, remplace l’auto-stop. Aux États-Unis, une trentaine d’États interdisent de faire du stop, alors qu’au Brésil et en Argentine, il est interdit aux poids lourds de prendre des autostoppeurs, ce qui nuit à la pratique. Chez les Asiatiques, c’est très peu répandu, alors il me fallait leur expliquer ce que je faisais à l’aide d’un document traduit dans la langue locale. Ceci dit, c’est vrai que la richesse joue un rôle. Un Blanc en VUS tout seul dans son auto ne s’arrêtera généralement pas. Alors que la voiture suivante, qui a pas mal de kilomètres au compteur, va s’arrêter et les six Latinos qui l’occupent vont essayer de se tasser pour te faire un peu de place.
L’autostop sauvé par la techno?
«Mettre en contact des gens voyageant dans une même direction et installer un système de notation des utilisateurs pour éliminer les pommes pourries n’est pas le plus difficile. Le plus compliqué, ce serait de respecter les aspects légaux et de bâtir un système transactionnel. Car, pour intéresser des automobilistes à l’application, il faut leur assurer une forme de récompense financière», lance Samuel Vermette, qui ne croit pas qu’un système basé uniquement sur la générosité des conducteurs ait une réelle viabilité. Bref, l’application UberPouce, ce n’est pas pour demain!
Mais ce dernier envisage une autre possibilité. En attendant que les voitures soient munies de pare-brise-écran capables de relayer des informations, le développeur montréalais songe à un système d’écran numérique placé sur la vitre du passager où l’automobiliste indiquerait sa destination, comme le font actuellement les autobus. «Un utilisateur qui irait dans la même direction pourrait alors demander à l’automobiliste s’il peut ou non l’embarquer», indique M. Vermette.
Déplacements en hausse
Selon l’enquête Origine-Destination 2013, les déplacements journaliers en auto ont augmenté de 15% entre 2008 et 2013 dans la région métropolitaine. C’est plus que le transport en commun (+10%).