Montréal

Les deux mains sur le volant

Chaque mardi, la journaliste Julie Laferrière et l’humoriste, animateur et illustrateur Pierre Brassard posent un regard original sur les usagers du transport en commun.

Certains usagers du transport en commun possèdent une voiture, mais optent pour le transport collectif parce que c’est pratique et plus écologique. D’autres passagers partagent cette opinion, à la différence qu’eux n’ont pas d’auto.J’appartiens à cette seconde équipe, mais me retrouve de temps à autre au volant pour avoir autour de moi des amis très généreux qui, lorsqu’ils partent en voyage, me laissent leur voiture.

C’est le cas d’I…, qui m’a si gentiment confié sa joyeuse Volks blanc guimauve. Ainsi, depuis une dizaine de jours, j’arpente les circuits balisés et les détours épiques du centre-ville. Des épreuves dignes de Fort Boyard, mais sans prix au bout du parcours. J’ai également trouvé un défi à l’angle de René-Lévesque et Bleury. Il s’est présenté sous les traits d’un jeune garçon qui s’est rué sur mon pare-brise muni d’un squeegee pour astiquer avec soin la vitre dont la transparence me laissait voir son air étonnamment appliqué.

J’étais terriblement mal à l’aise, car je savais que je n’avais pas d’argent sur moi. Mais sa vivacité ne m’a pas laissé le temps de le lui signifier. Je lui ai alors proposé maladroitement une gomme qu’il a acceptée par dépit, mais avec élégance. Il était Ontarien. Devait avoir à peine 17 ans, si ce n’est pas 16. Il rêvait de l’Ouest canadien. J’ai failli lui proposer un lift jusqu’à Vancouver, mais me suis dit que non seulement c’était un peu loin, mais que je n’avais aucune idée du trajet pour s’y rendre. Il faut spécifier ici que, même totalement sobre, j’ai le sens de l’orientation d’une girouette saoule. Le feu qui n’en finissait pas d’être rouge, couleur qui au demeurant s’harmonisait parfaitement à ma honte, a fini par tourner au vert.

J’ai alors souhaité bonne chance et bonne route au jeune Ontarien. Depuis, je pense à lui. Parce qu’il était gentil, pâle et si maigre. Parce que son regard était encore celui d’un p’tit gars.

Et parce que je me suis sentie bien inutile devant le désœuvrement de ce grand adolescent. En fait, je me suis dit ce jour-là que quoi que certains en disent, avoir les deux mains sur le volant ne garantit franchement pas le fait d’avoir le contrôle, sur quoi que ce soit.

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