Il y a 10 ans, la terre tremblait en Haïti. Un séisme dévastateur de 7,0 sur l’échelle de Mercalli a emporté plus de 300 000 vies, a occasionné autant de blessé.es et a mis à la rue plus d’un million de citoyen.nes. Je ne vous apprends rien!
La couverture médiatique de cette tragédie a été phénoménale ici et un peu partout dans le monde.
Pas une année ne s’écoule depuis ce fameux 12 janvier 2010 sans qu’on se remémore cette catastrophe collectivement.
Les dossiers et les reportages se suivent, dépeignant Haïti comme une patrie déchue et vouée à l’échec.
Il suffit de rechercher Haïti sur Google pour évaluer l’impact négatif de la presse étrangère sur l’image du pays. Vous me direz, en toute légitimité, que ce qu’on rapporte est le portrait le plus fidèle de ce qui s’y passe.
Je n’ai guère le choix de concéder qu’Haïti doit composer avec son lot de défis. J’ai moi-même tenu des propos assez durs envers la classe politique du pays et au sujet des plus récents soulèvements.
Par contre, je m’étonne toujours de voir à quel point cette même presse étrangère évacue de l’équation les responsabilités de leurs propres gouvernements dans l’état actuel des choses.
Le sort d’Haïti depuis son indépendance a été structurellement programmé pour son échec.
La corruption systémique et l’ingérence de certaines puissances ne font que confirmer qu’Haïti ne peut porter à elle seule le fardeau de ses fractures sociales.
Thomas Piketty, dans son plus récent ouvrage, Capital et idéologie, analyse les inégalités dans le monde et le temps.
Il consacre plusieurs pages à l’historique injustice haïtienne: la dette pour sa liberté. Les effets et les conséquences se font encore sentir, mais, comme on dit: «Un blâme sans mesure est souvent sans effet.»
Pour comprendre Haïti, il faut connaître son histoire. Pour aborder les enjeux d’Haïti, il faut, au minimum, avoir l’honnêteté de voir au-delà des détritus et de la misère et chercher la vérité dans toute sa laideur, même si ça risque de révéler l’odieux de notre hypocrisie.
En phase avec les commémorations entourant le 10e anniversaire du drame, les médias publieront et projetteront un portrait cynique du pays.
Les bilans se suivront et témoigneront de la courbe régressive en matière sociétale et économique depuis les 10 dernières années.
Je ne peux rester insensible et aveugle à la détresse humaine et à la dégradation du tissu social en Haïti.
Pour commémorer les 10 ans de ce tremblement de terre, ce qui me vient à l’esprit est de célébrer le peuple haïtien, de célébrer sa détermination.
Les récits de vie de la population haïtienne qui se lève et se bat au quotidien sont plus inspirants que ces images de désolation.
Le peuple haïtien souffre, certes, mais il se tient encore debout. Il milite pour voir émerger une nouvelle Haïti. Il n’abandonne pas. Il s’organise.
«Les récits de vie de la population haïtienne qui se lève et se bat au quotidien sont plus inspirants que ces images de désolation.»
Nous n’avons pas le droit de le contaminer par notre pessimisme et notre défaitisme.
J’ai dû procéder à un examen de conscience en cette nouvelle année et me rendre à l’évidence que je porte aussi une responsabilité dans la narration qui entoure mon pays d’origine.
Certaines personnes ont fait trembler mon cœur lors de mes séjours en Haïti. Bien qu’il faille condamner l’immobilisme de la classe politique, il faut surtout honorer et exposer les récits de ce peuple en marche.
Ce peuple qui a l’audace de l’espoir et la conviction qu’il lutte pour une juste cause: la fin des inégalités.