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Le BAPE met en doute la pertinence d’un tramway à Québec

Le projet de tramway à Québec

François Cattapan - Métro Média

Déposé plus rapidement que prévu, le rapport du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) sur un tramway à Québec s’avère également plus sévère qu’attendu. Dans un résumé des points saillants, les commissaires concluent notamment que la pertinence du choix de la Ville n’est pas démontrée. Sans surprise, l’administration municipale accueille très défavorablement les conclusions du BAPE.

Au terme de ses travaux, l’organisme considère qu’un réseau structurant de transport en commun (RSTC) reste souhaitable pour la ville de Québec. Or, note-t-on, «le projet présenté, tout spécialement quant à la technologie retenue, soit le tramway, et du tracé privilégié, n’apparaît pas optimal au regard des besoins de mobilité de la ville et de la région de Québec. Il ne l’est pas davantage quant au niveau de service obtenu par rapport aux investissements consentis.»

La commission constate par ailleurs que le principe d’une enveloppe budgétaire fixe déterminée par la Ville de Québec avant que les coûts de réalisation ne soient précisés l’a forcée à réduire la portée du projet annoncé initialement. Tout en se montrant favorables à un futur réseau structurant, les commissaires estiment «que des questions subsistent quant à la pertinence du tramway comme mode de transport. Il en va de même de la complexité de son insertion dans la trame urbaine, du choix des secteurs desservis et de la proportion des investissements requis par la construction du tunnel et la réfection de la voirie, qui sont inhérents au choix de la technologie».

Tronqué et biaisé, selon Régis Labeaume

Considérant avoir le bon projet, le maire Régis Labeaume souhaite aller de l’avant. «Il n’y a pas de recommandations pour des améliorations. On suggère plutôt de refaire des études sur des options qui ont déjà été analysées et rejetées. Comme l’a fait la Caisse de dépôt du Québec pour le REM à Montréal, nous pensons que ce rapport doit être mis de côté. L’impact immédiat est certes néfaste sur l’opinion publique, mais les gens qui ont de l’expérience dans la réalisation de grands projets vont se rassurer.»

Le maire de Québec ne sait pas ce que décideront les élus des paliers supérieurs de gouvernement, d’où doit provenir la majorité du financement du projet de tramway. Il n’ose croire que le résultat était planté d’avance pour faire dérailler le dossier. À son avis, plusieurs points importants sont oubliés, notamment concernant la fréquence du service 20h sur 24, le déploiement des bus vers la banlieue et la périphérie, ainsi que les bénéfices pour l’environnement. De plus, le BAPE ne fait aucun écho du fait que 70% des mémoires présentés étaient en faveur du projet.

«C’est énormément de frustration de recevoir un rapport comme celui-là. Ça fait plus de 40 ans que la Ville travaille sur un tel projet de société. Depuis le plan de mobilité durable, en 2011, on met en place des mesures pour atténuer les effets de l’accroissement du trafic. On arrive à un point de non-retour et le réseau routier ne peut combler les besoins sans un transfert vers une forme de transport modal. Si le rapport est si défavorable, c’est qu’il n’est pas basé sur la science en matière de transport collectif», martèle M. Labeaume.

La Ville en vient ainsi à la conclusion qu’il ne s’agit pas d’un rapport d’analyse, mais plutôt d’un rapport de consultation tronqué, biaisé et rempli d’incohérences.

Projet à revoir

Au cœur des recommandations contenues dans son rapport de 441 pages, dont un résumé des faits saillants, le BAPE suggère que le projet ne soit pas autorisé dans sa forme actuelle. Peu convaincu par l’étude commandée par la Ville pour étayer sa préférence pour le déploiement d’un tramway comme colonne vertébrale de son RSTC, il invite plutôt l’administration Labeaume à refaire ses devoirs.

Précisons que la commission d’enquête chargée de l’examen du dossier était formée des commissaires Antoine Morissette et Pierre Renaud ainsi que Corinne Gendron, qui agissait également à titre de présidente. Elle a remis son rapport le 5 novembre. Disposant de 15 jours pour le rendre public, le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charrette, a décidé de le dévoiler immédiatement.

Le volumineux document contient une description du dossier, les préoccupations des participants, l’analyse de la commission ainsi que l’ensemble des constats et des avis qu’elle en dégage. Les points saillants sont également disponibles dans une fiche synthèse. Par ailleurs, la version électronique complète du rapport se trouve ici.

Ce qu’ils ont dit:

«Contre toute attente, le rapport du BAPE apporte peu de propositions permettant de faire progresser son projet. On y lit plutôt une série de critiques et de demi-vérités. Il s’agit d’un rapport biaisé et tronqué. Trois affirmations erronés: la Ville de Québec ne s’est jamais astreint à un budget de 3,3G$, c’est le gouvernement du Québec. Le projet de 3e lien n’a pas de lien avec le projet de tramway. […] On dit que quelque chose n’est pas optimal lorsqu’on ne sait plus quoi dire. Heureusement, le BAPE est une étape de de consultation, pas de décision. Ça fait 40 ans qu’on y réfléchit et il est temps de passer à l’action.» – Régis Labeaume, maire de Québec

«C’est un sentiment de victoire qui nous habite pour les gens de Québec que nous défendons. Le rapport du BAPE reprend l’ensemble de nos inquiétudes envers ce projet. Je suis impressionné par le travail rigoureux et volumineux des commissaires, qui livrent un rapport dévastateur sur la plupart des enjeux. Le maire Régis Labeaume n’a que lui à blâmer pour ce retentissant échec. C’est ce qui arrive quand on n’écoute pas la population et je demande que tout investissement cesse immédiatement pour ce projet.» – Jean-François Gosselin, chef de Québec 21 et de l’opposition officielle à Québec

«Le BAPE constate que le travail effectué jusqu’à maintenant ne correspond pas aux besoins de mobilité de la Communauté métropolitaine de Québec. Le projet de tramway concocté par le maire de Québec n’obtient pas l’appui de la population. Il n’y a pas d’acceptabilité sociale, tant au niveau du tracé que de l’aménagement du territoire urbain. Notamment quant à la coupe d’arbres et aux points de destination (aéroport, terminus et accès aux banlieues).» -Jean Rousseau, chef de Démocratie Québec

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