Plusieurs municipalités du Québec ont déjà adopté le bac brun, et de nombreuses autres sont en voie de le faire. Malgré ces efforts, nombre d’entre elles rateront vraisemblablement les cibles gouvernementales de 60% de recyclage des matières organiques en 2015, selon des données analysées par TC Media. État des lieux.
«Évidemment, on n’y arrivera pas, tranche Marc Olivier, professeur de chimie à l’Université de Sherbrooke et spécialiste de la gestion des matières résiduelles. Il y a beaucoup de projets qui sont en cours de réalisation, et la fin de 2015 arrive.»
Observateur de ce secteur depuis plusieurs années, le directeur général du Front commun pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard, abonde dans le même sens. «L’objectif de 60% en 2015 est une vue de l’esprit», affirme-t-il.
Les dernières données officielles publiées par Recyc-Québec font état d’un taux de recyclage des matières organiques de l’ordre de 20% pour tous les secteurs d’activité en 2012. Trois ans plus tard, les choses ont bien sûr progressé, mais le Québec est très loin du taux de recyclage de 100% qui était prévu pour 2020.
Dans le milieu municipal, cet objectif de 100% signifie qu’aucune matière organique ne doit finir au dépotoir et que chaque résidence doit être dotée d’un bac brun dont le contenu sera valorisé ou recyclé.
Une cible toujours repoussée
La plupart des municipalités qui n’ont pas encore déployé leur flotte de bacs bruns travaillaient jusqu’à tout récemment en fonction de cet objectif de 2020. Or, à la fin septembre, le gouvernement Couillard a annoncé qu’il allait donner jusqu’au 31 décembre 2022 au monde municipal pour trouver un débouché pour ses résidus organiques.
Responsable de l’environnement à la MRC des Pays-d’en-Haut dans les Laurentides, Joël Badertscher est un de ceux qui travaillent à implanter une collecte à trois voies dans les municipalités desservies par sa MRC. Le report de l’échéance aura un impact limité, selon lui, parce que plusieurs d’entre elles avaient déjà entrepris de ramasser les déchets organiques. «Les gens sont prêts pour ce changement, même si parfois, les politiciens pensent qu’ils ne le sont pas», affirme-t-il. Il constate que les progrès sont rapides. Sainte-Adèle, qui a été la première municipalité de cette MRC à mettre sur pied la collecte des matières résiduelles, a enregistré un taux de recyclage de 32% après deux mois de collecte des bacs bruns.
Une politique qui manque de dents
Repousser les échéances semble être une pratique courante au Québec. Dans la politique de 1998, on voulait déjà recycler 60% des matières putrescibles avant 2008.
Le professeur Marc Olivier se souvient qu’à l’approche de cette échéance, plusieurs maires et préfets ont réalisé que rien n’allait les obliger à changer leurs habitudes. «Avez-vous déjà entendu dire qu’un préfet de MRC a été emprisonné parce qu’il n’avait pas respecté sa signature dans les plans de gestion des matières résiduelles? Ben non. Il n’y avait pas de règlements, pas de pénalités», fait-il remarquer.
De même, il constate que toutes les raisons sont bonnes pour retarder la mise sur pied de la collecte à trois voies. Il affirme que ce nouveau report de l’échéance démontre les priorités du gouvernement: pour maintenir les coupes de 300M$ imposées aux municipalités, Québec a accepté de reporter l’échéance qui leur imposait de faire des dépenses importantes dans la collecte à trois voies. «Ce qu’on voit, c’est qu’un ministre s’est fait marcher sur les pieds et a laissé la priorité à l’austérité, aux coupes et au ministère des Affaires municipales. Pour pouvoir couper les 300M$, il fallait que quelqu’un cède, et c’est cet objectif environnemental qui a [été sacrifié].»
Par courriel, le ministère de l’Environnement a expliqué qu’il «a toujours l’intention d’amorcer la mise en œuvre du bannissement de la matière organique de l’élimination à compter de 2020, mais le tout devra se faire dans un contexte où l’atteinte de l’objectif se réalisera de manière progressive».
Il précise que c’est la date butoir pour la mise en service des installations de traitement des matières organiques par biométhanisation et compostage qui est repoussée jusqu’en 2022.
Une légère amélioration
Avec 284kg d’ordures ménagères enfouies en 2013 par habitant et par an, Montréal s’est amélioré de 2% par rapport à 2012, mais la Ville continue de figurer en milieu de peloton parmi les municipalités québécoises.
Comment arrive-t-on à ce chiffre? Le gouvernement comptabilise les quantités de matières envoyées dans les sites d’enfouissement chaque année. Les entreprises et les municipalités qui enfouissent doivent payer à Québec deux redevances totalisant près de 21$ par tonne métrique, qui leur sont ensuite reversées sous forme de subventions. Pour profiter pleinement de ces dernières, les municipalités doivent être performantes.
Les comparaisons sont néanmoins hasardeuses, notamment parce que dans certaines municipalités, les déchets des commerces peuvent être inclus dans le résultat final, alors que dans d’autres, les commerces gèrent eux-mêmes la collecte de leurs déchets, lesquels ne sont donc pas comptabilisés dans les statistiques de la Ville.
Biométhanisation
Les grandes villes du Québec n’ont pas toutes trouvé quoi faire de leurs résidus organiques, mais plusieurs d’entre elles sont tentées par la biométhanisation.
- C’est la technique, avec le compostage, qui est reconnue par le programme de subvention du gouvernement du Québec.
- Dans ce procédé, on crée un milieu où les matières organiques se dégradent sans apport d’oxygène. Il en résulte du méthane, un gaz qu’on peut utiliser comme carburant renouvelable, ainsi qu’un digestat qui peut être composté ou transformé en fertilisant.
Palmarès
Municipalités québécoises qui produisent le moins de kg d’ordures ménagères par habitant par an.
- 1. Coaticook 182 kg
- 2. Sherbrooke 190 kg
- 3. Îles-de-la-Madeleine 196 kg
- 4. La Matapédia 199 kg
- 5. Lévis 213 kg
- 43. Montréal 284 kg
- 51. Longueuil 292 kg
- 72. Laval 614 kg
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