La revente rapide de biens immobiliers deviendra plus corsée. Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, a annoncé que les personnes qui procèdent à des «flips» immobiliers verront leurs profits imposés à 100% plutôt qu’à 50%.
Ce qu’on appelle communément un «flip» désigne l’achat d’un bien résidentiel dans le but de le revendre rapidement pour empocher un profit. Ces ventes précipitées contribuent à l’explosion des prix de l’immobilier au Québec. Le gouvernement provincial s’attaque donc aux flips avec une nouvelle règle d’imposition, qui se colle sur les mesures fédérales annoncées en avril.
À compter du 1er janvier 2023, en même temps que la règle fédérale, les profits provenant d’une revente dans les 12 mois suivant l’acquisition seront imposables en tant que profit d’entreprise plutôt que comme gain en capital. L’entièreté du profit sera donc assujettie à l’impôt plutôt que seulement 50%.
La mesure s’insère dans une série de modifications fiscales annoncées jeudi par le ministre des Finances.
«Les changements que nous annonçons aujourd’hui touchent de nombreux aspects du régime fiscal québécois et ils répondent aux besoins des citoyens et des entreprises. Je suis particulièrement heureux des mesures qui favoriseront l’accès à la propriété et de celles qui aideront à l’embauche et au maintien en emploi de travailleurs d’expérience et de personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi», a dit M. Girard par voie de communiqué.
Une nouvelle règle de présomption
Le 7 avril 2022, le gouvernement fédéral a annoncé que les profits découlant des reventes précipitées seraient 100% imposables en tant que revenus tirés d’une entreprise. Quelle différence avec l’imposition actuelle? Présentement, ces revenus peuvent être déclarés comme des gains en capital, donc seulement 50% de ceux-ci sont imposables. Parfois, un propriétaire peut se prévaloir de l’exemption pour résidence principale et ne payer aucun impôt sur le profit de la revente. C’est pour éviter les abus que le gouvernement fédéral instaure cette nouvelle règle de présomption, qui impose entièrement les gains. Soulignons que des exceptions sont prévues pour plusieurs situations, comme une séparation ou un décès.
Réactions mitigées
La Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), un organisme à but non lucratif qui représente les propriétaires d’immeubles locatifs, reconnaît que l’intention des gouvernements est bonne.
«On prône le long terme parce qu’on pense que la santé du marché locatif passe par la détention à long terme», affirme Benoit Ste-Marie, directeur général de la CORPIQ, en entrevue avec Métro. «On accueille favorablement les mesures qui touchent les flips immobiliers sur toutes les catégories de propriétés, que ce soit des chalets ou des condos. On est d’accord pour une imposition des gains qui tient compte des dépenses engagées par les propriétaires, de l’argent investi dans le bien.»
Pour Ruba Ghazal, porte-parole de Québec solidaire en matière de finances, le gouvernement ne va pas assez loin.
«Ce ne sont pas ces mesurettes qui vont aider les familles à acheter une première propriété en pleine surchauffe immobilière. Ça va prendre plus qu’une taxe sur les flips immobiliers pour freiner la spéculation. Un gouvernement solidaire mettra en place une vraie taxe anti-spéculation et proposera des mesures pour aider les familles à réaliser leur rêve d’acheter une première propriété.»
La majorité des acteurs politiques s’entendent sur un point: la nécessité de s’attaquer à la hausse fulgurante des prix de l’immobilier. À Montréal, la mairesse Plante s’est déjà engagée à demander le pouvoir de moduler le droit de mutation (ou «taxe de bienvenue»), afin de décourager le phénomène.