C’est devenu une tradition. Au même titre, presque, que les cantiques, les cadeaux, et les cannes de Noël. De quoi on parle? Des Lions de Cannes. Soit des meilleures pubs de l’année, qui se stationnent de nouveau au Cinéma du Parc pour le temps des Fêtes. Que propose la cuvée 2016? En gros, moins d’animaux, moins d’humour, moins de bonbons; davantage de messages sociaux, engagés, conscientisés. Symptomatique des besoins de notre sombre époque?
Une pub de sensibilisation au don d’organes, une autre pour éveiller les consciences à l’impact des accidents de voiture «sur ceux qui restent». Et puis, une qui fait la promotion de l’université occidentale de Sidney en présentant le parcours d’un réfugié soudanais, devenu avocat.
Certes, parmi ces thèmes sobres et durs, il y a aussi cette annonce mettant en vedette une absurde peluche de bébé singe qui danse allègrement avec trois gars sur un sofa pour vanter les effets d’un soda qui a la force d’une boisson énergisante (d’accord). Mais l’ensemble de la sélection des Lions de Cannes cette année, surnommés (classique) «les Oscars de la pub», mise sur autre chose que sur ces éléments à l’efficacité confirmée que sont les gags, l’ironie et l’anecdote. Probablement parce que les temps ne sont pas à la rigolade.
Samuel Parent, directeur général de l’Association des Professionnels de la Communication et du Marketing (APCM) depuis novembre dernier, abonde dans ce sens. (Pour la petite histoire, cette association représente les individus travaillant dans les sphères de la communication et du marketing de la province. Elle coprésente également les Lions au Parc depuis des années.)
Bref, parmi les éléments forts de cette sélection, M. Parent mentionne d’emblée cette annonce mettant en vedette Usher, le chanteur. Tourné en noir et blanc, le court métrage percutant explore le déni d’une partie de la population à l’égard du profilage racial.
«Une bonne publicité, ce n’est pas simplement une question de grands moyens. C’est surtout une question de bonne idée. Et de la nécessité d’être exigeant sur la bonne idée en question, et sur sa présentation.» –Samuel Parent, directeur général de l’APCM
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Depuis quelques années, des incontournables se retrouvaient inévitablement parmi les lauréats. Nike et son «Juste fais-le» (Just Do It) en tête. Mais pas cette année. Il y a, certes, Kobe Bryant et sa chorale de vrais détracteurs qui viennent réellement et très subtilement chanter le départ de la controversée étoile du basket, alors qu’elle tire sa révérence. («Je n’ai ni trop aimé ni trop compris cette pub, remarque
M. Parent. Peut-être que si je trippais sur le basket, je la comprendrais. Il doit y avoir une blague d’intérieur [lire une inside] là-dedans. J’espère!»). Reste que l’ensemble n’incite guère à s’esclaffer comme au temps des lapins animés qui rejouaient en 30 secondes des grands classiques du cinéma, dont Pulp Fiction.
Née en 1954, la cérémonie de prix que sont les Lions mise sur la créativité et l’efficacité avant tout. Par le passé, on a bien vu notre lot de spots dans lesquels des mammifères, des reptiles et des insectes entonnaient un hymne à la gloire d’une marque quelconque. Car la légende veut que les consommateurs aiment se faire chanter la sérénade par une variété de petites bêtes.
L’édition 2016 semble plutôt transmettre un désir d’éveiller les consciences. En tête des pubs qui l’ont marqué, M. Parent note celle de la bière mexicaine Tecate. Dont le slogan affirme qu’un «homme est défini par la façon dont il traite une femme». «Si vous n’êtes pas un homme [comprendre: si vous ne traitez pas les femmes comme il se doit, c’est-à-dire, évidemment, bien], vous ne méritez pas une broue de notre compagnie.» Le clip se termine sur une affirmation: «Tecate, la bière des hommes depuis 1944, s’oppose à la violence conjugale.»
Mais par rapport à l’ensemble des productions de la planète pub, ces félins récompensés sur la Côte d’Azur représentent-ils réellement ce qui se fait de meilleur? Pour vrai de vrai? «Oh, oui, oui, oui, rétorque le directeur de l’APCM. On ne voit pas de… je ne nommerai pas de noms, mais de cochonneries, de pubs faciles, de copier-coller, c’est vraiment de la créativité confirmée.»
Les fidèles des Lions remarqueront ainsi que cette édition est aussi celle où les messages traduisent la nécessité de l’ouverture par rapport aux orientations sexuelles, à l’identité de genre. M. Parent note d’ailleurs qu’il a lui-même remarqué, oui, que le «girl power» a été une composante de choix, un thème auquel les marques se sont attardées. Est-ce que cela peut aider à faire évoluer les mentalités? «C’est sûr qu’une pub ne changera pas l’univers. Mais elle peut avoir un solide impact.»
Les Lions de Cannes
À l’affiche au Cinéma du Parc