Culture

La cinéaste Catherine Hébert retourne en Afrique

Après y avoir tourné plusieurs documentaires, dont De l’autre côté du pays, elle y revient dans Carnets d’un grand détour, pour lequel elle a suivi pendant huit mois un homme et son âne sur les routes du Maroc, du Sénégal et du Mali. Rencontre avec une grande voyageuse.

Qu’est-ce qui vous a charmée dans cette odyssée?
J’ai surtout été très attirée par le fait que j’allais marcher à contresens. Ceux qui traversent le continent africain, habituellement, c’est pour aller au nord, pas au sud. En commençant le film, au détroit de Gibraltar, on pense aux milliers de clandestins qui ont péri à cet endroit.

Sans être dans la dénonciation ou la démonstration, l’essai est tout de même politisé…
Je pense que, s’il n’y avait pas du tout eu de toile de fond, avec des réflexions politiques, je ne crois pas que je me serais embarquée dans ce projet-là. Je voulais que le film soit quand même porteur de certaines questions à l’heure où l’Europe ferme ses portes à l’immigration, où elle traite de plus en plus mal les clandestins.

Vous y avez fait de nombreuses rencontres intéressantes…
La route, quand tu la marches à pied, elle est vraiment généreuse. Les gens, voir une femme avec une caméra, ça les amusait. Encore plus accompagnée d’un homme et d’un âne… Il n’y a pas eu de rencontres obligées ou pressées. Les gens qui sont là, ce sont des envies de partage, une curiosité naturelle. Ce qui était le fun, dans ce film-là, c’est que je posais des questions et que les gens m’en posaient aussi. Je pense que ç’a créé un vrai échange et on le sent.

On sent aussi un grand soin apporté à la narration, qui est très poétique…
Ç’a été un travail titanesque d’écrire la narration. En même temps, ç’a été absolument passionnant. J’ai tenu un journal de bord pendant le voyage. Par simple réflexe, pas en me disant que ça allait être un film avec une narration. Au retour, je me suis rendue compte que, pour donner de la profondeur au film, une narration était importante. J’avais des réflexions dans ma tête, mais est-ce qu’elles étaient pertinentes? Le principal défi était d’en dire suffisamment pour donner une autre dimension à la scène qu’on voyait, mais sans tomber dans l’explicatif non plus… L’idée était que ça fasse quelque chose d’organique, que ça ne soit pas des images avec une narration plaquée dessus, mais que ces éléments s’imbriquent l’un dans l’autre.

Selon vous, en quoi ce voyage a été bénéfique?
Ç’a été bénéfique pour moi, car il y a quelque chose d’apaisant là-dedans, de ne pas montrer une Afrique cliché et misérabiliste… C’est bien qu’il y ait autre chose qui nous transporte ailleurs. Écouter des gens qui n’ont jamais la parole – parce que ce sont juste des gens ordinaires –, ça aussi c’est un grand bonheur. Et avoir pu partager ça, ça me fait un grand bien.

Carnets d’un grand détour
En salle dès vendredi

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