Le passé d’une tragédie se mêle au présent du quotidien dans La vallée des larmes, le second long métrage de Maryanne Zéhil. Rencontre avec une cinéaste déterminée.
Les massacres perpétrés dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila au Liban, en 1982, n’ont pas été oubliés. Une éditrice montréalaise (interprétée par Nathalie Coupal) les redécouvre par l’entremise d’envois anonymes de tranches d’existence.
Pour la metteure en scène Maryanne Zéhil, ils font partie de la vie de tous les jours, comme un fantôme qui rôde en permanence.
«Au moment des massacres, j’avais 12 ans et j’étais au Liban, explique la réalisatrice libanaise installée à Montréal depuis 1997. C’est quelque chose qui s’imprègne en vous. Ça fait partie des mes gênes cette histoire-là.»
Afin de parfaire ce récit personnel, mais non autobiographique, celle qui a offert De ma fenêtre, sans maison, en 2006, s’est basée sur son expérience, ses recherches et des entrevues réalisées avec des victimes du drame.
«Malheureusement, ceux qui ne veulent pas parler sont plus nombreux que ceux qui veulent en parler, relate sa créatrice, qui a déjà travaillé dans le domaine journalistique. Parce que justice n’a pas été rendue. Mais il reste quand même quelques irréductibles qui pensent que c’est important de ne pas oublier pour que ça ne se refasse plus. »
Irréductible, Maryanne Zéhil l’est également pour avoir porté ce projet à bout de bras sans jamais recevoir d’aide des institutions financières. «On a fermé 100 portes devant moi, mais même si on avait fermé 300 portes, je l’aurais fait pareil, avoue-t-elle. C’est un besoin vital, ce film. Il fallait que je le fasse. C’était une question de vie ou de mort… Je ne devrais pas le dire, mais ce n’est pas les gens de la SODEC ou de Téléfilm qui vont décider ce que je vais faire de ma vie. C’est moi qui décide. Ce film, je voulais le faire et je l’ai fait.»
Deux entités distinctes
Par son sujet, ses thèmes et ses allers-retours dans le passé, La vallée des larmes peut s’apparenter à Incendies.
«J’étais sûre qu’on allait me parler d’Incendies, lance la réalisatrice Maryanne Zéhil en souriant. C’est comme si en France ou ailleurs, on voyait un film qui se déroulait à Montréal, dans le Mile-End, et qu’on va dire que c’est le même film, qu’on l’a déjà vu avant. Je comprends que pour le Québec, c’est rare, c’est forcément une comparaison. Mais pour moi, c’est deux choses complètement différentes. C’est l’histoire des secrets de familles dans Incendies. C’est comme deux films qui n’ont absolument rien à voir, sauf le fait que l’auteur de cette pièce (Wajdi Mouawad) se trouve à être libanais – et je suis libanaise – et il vit à Montréal, comme moi. On a ce mélange tous les deux d’une culture libano-québécoise. Maintenant, les gens vont peut-être faire un rapprochement. Ce sera tant mieux ou tant pis.»