Avec Chambres noires, Nicolas Charette signe un premier roman qui détaille de façon éloquente le mal de vivre d’un alcoolique toxicomane, qui tangue entre son irrépressible côté autodestructeur et son désir de vivre un jour avec la paix du cœur.
Un peu comme si sa rédemption passait par l’aveu, le personnage de Victor écrit une lettre à une femme, Nina, sans complaisance ni artifice car, dit-il, elle est la seule personne au monde avec qui il se sent honnête. Façon de nous dire, à nous lecteurs captivés, que ce roman ne sera pas une bluette style Alexandre Jardin.
Au point qu’à certains égards la narration fait penser à Charles Bukowski mais aussi à Nelly Arcan, notamment pour le côté cliniquement cru et analytique. L’auteur, Nicolas Charette, qui enseigne la littérature dans un cégep de la Rive-Sud, connaît les ressorts du romanesque – comme l’idée de faire apparaître une arme à feu qui doit être utilisée dans l’histoire – et aussi les grands auteurs classiques, dont ses mentors, Raymond Carver pour la nouvelle et Michel Houellebecq pour le roman.
S’il concède n’avoir lu que Women du grand Bukowski, il se reconnaît une parenté avec le style de Nelly Arcan.
Et comme c’était le cas chez elle, la frontière est parfois floue entre la fiction et la réalité. «Il y a une part de moi, notamment pour le côté obsessif que je connais bien, et j’ai beaucoup observé des membres de mon entourage qui consomment», dira-t-il avant d’expliquer la genèse de ce premier roman.
«J’avais écrit une nouvelle pour Zinc, vers 2009, où un gars envoyait une lettre à une Suédoise dans laquelle il racontait sa rechute dans le gambling et comment il était déçu de lui-même. Il allait ensuite dans un bar, pétait la gueule à un type, puis partait sur une dérape de coke. Ce souffle, cette urgence, cette sorte de détresse à vif, je trouvais cela intéressant. J’ai donc eu envie de reprendre ce personnage pour l’approfondir. Dans le contexte de la nouvelle, c’était amené de façon un peu brutale, car on ignorait tout de cet être à la fois obsessif, honnête, mêlé et conscient, trop conscient», explique l’auteur qui se désole, avec raison, que certains aient vu dans son histoire une description de ce qui serait le mal de vivre du mâle québécois.
«Au moment de l’écriture, j’ai souvent entendu des gens dire : “Pas encore une histoire de gars dans la trentaine qui ne sait pas où il va dans la vie et qui boit!” Évidemment, il ne faut pas écouter ces voix-là, sinon on n’écrit rien. Je me consolais à l’idée qu’avec Victor, j’exploitais un thème précis qui est celui de l’alcoolisme, de l’obsession, de la maladie. Pour moi, ce n’est pas une espèce de caricature du Plateau. Je prends Victor à un moment de sa vie qui n’est plus défendable», conclut Nicolas Charette au sujet de cette descente aux enfers qu’on ne saurait trop vous recommander.
Chambres noires
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