Le comédien Théodore Pellerin se dit de plus en plus heureux et il a toutes les raisons de l’être. Sans chercher l’attention, le jeune homme de 21 ans ne cesse de se démarquer par ses rôles riches, notamment dans les films Chien de garde (qui l’a sacré Révélation de l’année au dernier Gala Québec Cinéma), Boy Erased et Genèse, qui prendra l’affiche au printemps. Au point où de grosses productions américaines lui font des offres alléchantes. Métro l’a joint à La Nouvelle-Orléans, où il tourne la série On Becoming a God in Central Florida, dans laquelle il donne notamment la réplique à Kirsten Dunst.
Comment se passe le tournage de On Becoming a God in Central Florida? Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre rôle et l’intrigue de la série?
Ça se passe vraiment bien. J’ai beaucoup de plaisir à faire ça. J’aime les gens sur le plateau, c’est vraiment une belle expérience. Jusqu’ici, je suis très content. Je n’ai pas le droit d’en parler beaucoup, mais ça se passe au début des années 1990 en Floride. C’est l’histoire de Krystal, jouée par Kirsten Dunst, dont le mari est hyper impliqué dans un système pyramidal, et qui va tout perdre, tranquillement. Elle essaie de survivre avec son bébé de six mois. Mon personnage est juste au-dessus d’elle dans l’échelle pyramidale, et il est très dévoué à ce système.
Lorsqu’on tape votre nom dans Google, les trois premiers résultats (après le site de votre agence) sont des articles dont voici les titres: «Théodore Pellerin: L’exceptionnelle lancée», «L’ascension du comédien Théodore Pellerin» et «Les multiples naissances de Théodore Pellerin». Vous avez été une révélation pour plusieurs au Québec cette année, dont les journalistes. Comment composez-vous avec cette attention?
Aaaaah! Mais je ne sais pas… Ce n’est pas agressant, parce qu’il y a quelque chose de très respectueux. J’ai la chance que les gens m’approchent avec une véritable curiosité. Je rencontre des personnes agréables et des journalistes avec qui j’ai du plaisir à parler. Je n’ai pas l’impression que c’est pour vendre des articles ou que je suis en train de devenir un produit, donc je n’ai pas l’impression de perdre ma nature dans tout ça.
Je dois avouer qu’en mars dernier, quand j’avais plusieurs films qui sortaient en même temps et que, tout d’un coup, je donnais plusieurs entrevues, c’était un peu intense et déstabilisant, sans être extrême non plus. Mais je suis super heureux si mon travail et les films dans lesquels je joue sont remarqués. C’est super plaisant. On fait ces projets pour qu’ils soient vus et qu’on en parle. C’est juste flatteur, en fait.
«Ce qui est intéressant du métier d’acteur, c’est cette espèce de quête pour comprendre comment on fait pour vivre des personnages et des histoires de façon véritable.» – Théodore Pellerin
Dans vos mots, comment qualifiez-vous votre année 2018?
2018, euh… je ne sais pas! J’ai l’impression que je suis de plus en plus calme et de plus en plus… Je ne sais pas trop! (Rires) Je suis de plus en plus heureux dans ce que je fais et avec les gens avec qui je travaille.
Vous êtes rapidement devenu très en demande. Est-ce que ça vous permet de choisir vos rôles, ce qui est un luxe pour un comédien?
Oui, quand même, j’ai la chance d’avoir des projets qui me sont proposés maintenant, donc j’ai plus la chance de choisir. Mais j’ai toujours eu l’impression de faire ce que j’avais envie de faire depuis le début, depuis que j’ai 16 ans. J’ai toujours appris sur chaque projet. C’est sûr que, là, j’ai la chance de travailler avec des gens que j’admire. J’ai l’impression que je peux vraiment apprendre d’eux.
Sur quels critères choisissez-vous vos rôles? Qu’est-ce qui vous anime dans un projet?
C’est juste l’argent. (Rires) C’est une blague! Ça dépend. C’est vraiment le réalisateur ou la réalisatrice qui, après une rencontre, la façon dont ils vont me parler du film ou du personnage va faire en sorte que se crée une connexion et que j’ai vraiment envie de travailler avec eux en particulier. Mais des fois aussi, ça peut être le scénario, le reste du casting… En fait, j’aime vraiment travailler avec les réalisateurs. J’ai l’impression que c’est ce qui vient en premier. Il faut que j’ai complètement confiance en la personne avec qui je travaille.
Vous jouez pour des productions québécoises et américaines. Quelle différence y a-t-il entre les deux?
En ce moment, je suis dans un show télé avec un studio et un diffuseur. Il y a beaucoup plus de niveaux décisionnels et de personnes qui ont du pouvoir. On a un showrunner, quatre producteurs exécutifs, des gérants de studio… Il y a comme 50 personnes qui ont leur mot à dire et qui donnent des notes sur le scénario, sur les premières images, et sur plein d’affaires. On est chanceux, parce qu’on s’entend vraiment tous sur ce qu’on a envie de faire.
C’est complètement différent des films indépendants québécois! Souvent, le réalisateur ou la réalisatrice a aussi écrit le scénario, donc il ou elle a à peu près tous les pouvoirs de faire ce qu’il ou elle veut. Si on veut changer une ligne ou une scène, on a complètement le droit, c’est au cinéaste de décider. Aux États-Unis, si on veut changer une ligne, c’est un processus plus complexe.
Aviez-vous l’ambition de mener une carrière internationale, ou c’est arrivé accidentellement?
C’est un peu arrivé par hasard avec Never Steady Never Still, que j’ai tourné quand j’avais 18 ans. Ce film est venu vers moi je ne sais plus trop comment. Je n’avais jamais fait de film en anglais, mais j’avais vraiment aimé le scénario et j’étais allé à Vancouver pour l’audition et je l’ai eu. Bref, de là a découlé le fait d’avoir un manager, d’aller au TIFF. Puis, les choses ont un peu déboulé.
Je le voulais, ce rôle, vraiment. J’ai l’impression que les acteurs qui me transportent vraiment, que les grandes performances qui me rendent excité de jouer, viennent essentiellement d’acteurs américains. J’ai donc pas mal toujours eu envie de jouer aux États-Unis.
Vous avez grandi dans une famille d’artistes. Vous êtes le fils de la chorégraphe Marie Chouinard et du peintre Denis Pellerin. Comment est-ce que cela a teinté votre parcours?
Je ne sais pas, parce que je n’ai jamais grandi dans un autre milieu, ni avec d’autres parents! Hum… (Petit temps de réflexion.) C’est plus la personnalité de mes parents qui a eu une influence que le fait de grandir dans un milieu artistique. Leurs sensibilités m’ont nourri. En fait, mes parents m’ont toujours encouragé à faire ce que j’avais envie de faire. J’ai voulu faire plein d’affaires avant d’être acteur, et mes parents ont toujours dit: «OK, on va t’aider à faire ça.» Ils étaient super… Hé, c’est fou, ça fait trois mois que je suis ici et j’ai de la difficulté à parler en français, c’est ridicule! Je cherche tellement plus mes mots que d’habitude, je m’excuse. C’est un peu décousu, mon affaire! Ouais, ils sont juste super encourageants. Ce sont de bons parents. Ils me soutiennent beaucoup. J’ai l’impression que c’est juste l’amour en fait, plutôt que le milieu artistique, qui fait une différence.
Est-ce que grandir entouré de danseurs a influencé votre façon d’interpréter vos personnages? Je pense entre autres à vos performances très physiques dans la pièce Yen et dans Chien de garde…
Sûrement. Je ne sais pas trop comment, je ne veux pas trop l’intellectualiser, mais c’est sûr que oui. Ma mère a une immense connexion avec son corps et elle m’a appris à habiter mon corps. C’est sûr que ça doit ressortir dans mon jeu. Ce n’est pas un outil que j’utilise consciemment, ça fait partie de ma vie aussi.
Avez-vous toujours voulu être acteur?
Non, pas du tout. Je suis allé à Robert-Gravel, une école à vocation particulière en art dramatique, sur le Plateau-Mont-Royal. Mes parents m’avaient encouragé à faire l’audition, car au début, ça ne me tentait pas; j’avais envie d’aller dans un collège privé, d’avoir des devoirs et d’être encadré, parce que je venais d’une école alternative au primaire. Donc, je suis allé faire l’audition à contrecœur, et finalement j’ai adoré ça! C’est là que j’ai commencé à avoir du plaisir à faire du théâtre. Après, quand j’ai commencé à vraiment m’intéresser au jeu, je me suis beaucoup formé chez moi en regardant des films, en lisant des textes et en faisant du coaching avec des professeurs à l’extérieur de l’école. Je comprenais que j’étais loin d’être capable de faire ce que les acteurs que j’admirais faisaient. Je savais que j’avais beaucoup à apprendre.
Qu’est-ce qui vous fascine dans ce métier?
Ça change tout le temps, c’est ça que je trouve le fun. Actuellement, je commence à me sentir beaucoup plus libre et plus heureux, parce que j’apprends à ne pas toujours être en contrôle. C’est vraiment un bonheur de ne pas se regarder jouer, mais de juste jouer. Je commence à découvrir ça depuis un an ou deux. Je ne dirais pas que c’est un abandon… Je ne pense pas avoir les mots appropriés pour décrire ce que c’est… C’est quand même bizarre pour quelqu’un qui n’est pas acteur de comprendre ce sentiment. Mais c’est une espèce de confiance, de liberté et d’écoute; d’extrême écoute et de présence. Quand tu atteins ça, quand tu vis ces moments-là… parce que ça n’arrive pas tout le temps – des fois, tu es en train de faire une scène et tu te trouves mauvais, et ça ne marche pas, et tu as envie de ne plus jamais jouer de ton existence –, mais quand tu atteins ces moments, c’est là que ça prend tout son sens. C’est comme l’inspiration, la connexion à quelque chose, c’est tellement dans le moment présent que…
C’est comme un moment de grâce?
Ouais, un moment de grâce. Exactement.