En ouverture de cérémonie, Queen a interprété We Are The Champions, chanson de circonstance. En effet, des champions, il y en a eu plusieurs lors de cette 91e soirée des Oscars, à commencer par Green Book, sacré Meilleur film.
Outre la plus prestigieuse récompense de la soirée, le film de Peter Farrelly est reparti avec le prix du Meilleur scénario original ainsi que celui du Meilleur acteur de soutien, décerné à Mahershala Ali, qui a ainsi remporté un deuxième Oscar en carrière.
«Toute cette histoire parle d’amour. Nous sommes tous les mêmes», a déclaré le réalisateur en fin de soirée.
Au sujet de l’époque à laquelle se déroule le film, l’Amérique ségrégationniste des années 1960, le militant pour les droits civiques et homme politique John Lewis a de son côté rappelé un peu plus tôt que «notre nation porte les cicatrices de cette époque, tout comme moi».
Du côté québécois, l’Oscar du Meilleur court métrage de fiction a échappé à Jérémy Comte et à Marianne Farley, nominés respectivement pour leurs films Fauve et Marguerite. Le Canada a tout de même été récompensé par le prix du Meilleur court métrage d’animation, décerné à Bao.
La favorite, c’est l’actrice Olivia Colman, qui a rapporté une statuette à l’excellent film de Yórgos Lánthimos, The Favourite. Dans un discours adorablement décousu, marqué par l’émotion et l’humour britannique pince-sans-rire, elle s’est d’abord exclamée: «C’est hilarant, j’ai gagné un Oscar!» pour ensuite conclure en envoyant un bec soufflé à Lady Gaga. Lovely.
«Glenn Close, tu es mon idole depuis si longtemps! Ce n’est pas ainsi que ça devait se passer!» – Olivia Colman, Meilleur actrice pour The Favorite, s’adressant à sa collègue en nomination
Dans chacun de ses remerciements (trois au total), le cinéaste mexicain Alfonso Cuarón a rendu hommage au cinéma, que ce soit en saluant ses concitoyens réalisateurs Guillermo Del Toro, qui lui a remis le prix du Meilleur réalisateur, et Alejandro González Iñárritu, ou en parlant des films en langue étrangère qui l’ont inspiré lorsqu’il était jeune: «Citizen Kane, Jaws…». Il a récolté l’Oscar du Meilleur film en langue étrangère.
Lors de sa troisième et dernière apaprition sur scène, il a remercié l’Académie de récompenser un long métrage qui met en scène l’histoire d’une femme autochtone. «Notre travail comme artiste est de poser le regard là où les gens ne regardent pas.»
Soirée inclusive
Plusieurs messages à teneur sociale et politique ont résonné dans le Dolby Theater hier soir. Alors que le président américain Donald Trump s’acharne à vouloir financer coûte que coûte la construction d’un mur à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, l’acteur hispanophone Javier Bardem a rappelé en espagnol «qu’aucun mur ni aucune frontière ne peut bloquer l’ingéniosité et le talent».
«Les gens invisibles dans nos sociétés, les immigrants et les femmes, font avancer l’humanité dans le bon sens», a pour sa part lancé sous une pluie d’applaudissements le chef José Andrés, aux côtés de Diego Luna, en présentant le film Roma.
Le gagnant du trophée du Meilleur acteur, Rami Malek, a mentionné qu’il est lui-même fils d’immigrants égyptiens. «Nous avons fait un film sur un homme gai et immigrant qui vit sa vie de façon assumée», a-t-il rappelé au micro, parlant de Freddie Mercury, qu’il incarne dans Bohemian Rhapsody, film qui a par ailleurs récolté le plus grand nombre de statuettes, soit quatre.
«Merci, Queen, de m’avoir laissé prendre part à votre héritage phénoménal.» – Rami Malek, Meilleur acteur pour Bohemian Rhapsody
Alors qu’une étude nous apprenait jeudi dernier que les femmes et les minorités sont encore sous-représentées au cinéma, elles l’ont bien été tout au long de la soirée. Parmi les femmes qui sont montées sur scène pour récolter des trophées, la réalisatrice du court métrage documentaire Period. End of Sentence, Rayka Zehtabchi, s’est exclamée: «Je ne peux pas croire qu’un film sur les menstruations vient de remporter un Oscar!» avant de réclamer «l’égalité menstruelle» pour toutes.
Le tout-de-mauve-vêtu-en-hommage-à-Prince Spike Lee était quant à lui galvanisé de remporter le prix du Meilleur scénario adapté pour BlacKkKlansman. Après avoir sauté dans les bras de Samuel L. Jackson, il a averti les producteurs de la soirée: «Ne partez pas la putain de chanson!» avant de rendre un vibrant hommage à ses ancêtres qui ont survécu à l’esclavage et aux Premières Nations qui ont été victimes d’un génocide. Enfin, il a lancé un appel à la mobilisation en vue de l’élection présidentielle de 2020. «Faisons la bonne chose!» a-t-il dit en clin d’œil au titre de son film-culte, Do The Right Thing.
Venue présenter justement BlacKkKlansman, la chanteuse Barbra Streisand a souligné qu’il s’agit d’un film basé sur la vérité. «La vérité, qui est particulièrement précieuse par les temps qui courent.»
Sans éclat ni temps mort
Queen avait promis de nous rocker en ouverture de gala (We Will Rock You). Malheureusement, la soirée n’a pas tellement rocké. Au moins, malgré l’absence d’animateur – Kevin Hart ayant renoncé à son poste après avoir suscité la controverse avec des tweets homophobes –, elle s’est déroulée rondement et sans temps mort, un exploit en soi pour les Oscars.
Au rayon des présentations, heureusement qu’il y avait Tina Fey, Amy Poehler et Maya Rudolph pour briser la glace en abordant de plein fouet les malaises qui ont précédé le gala lors de la présentation du premier prix de la soirée.
Avec son mordant habituel, Amy Poehler a blagué sur l’absence d’animateur, le retrait de la catégorie du Film populaire de l’année et la volte-face de l’Académie au sujet de la remise de prix au cours des pauses publicitaires.
«Bienvenue à la millionième soirée des Oscars, a pour sa part lancé Tina Fey. Il n’y a pas d’animateur, mais nous resterons ici un peu trop longtemps pour que les gens pensent demain que nous avons animé l’événement.» On souhaite la revoir à ce poste l’an prochain, en compagnie de ses ex-collègues de SNL.
Franchement amusants dans leurs costumes ultra-flamboyants inspirés de The Favourite, Brian Tyree Henry et Melissa McCarthy (qui portait une cape ornée de dizaines de lapins en peluche) se sont démarqués par leur présentation courte et punchée pour le prix… des Meilleurs costumes, remporté par Black Panther.
Contrairement à l’éclatante soirée des Grammy d’il y a deux semaines, les performances musicales ont toutes donné dans la sobriété. Il a fallu Lady Gaga et Bradley Cooper pour nous réveiller en fin de gala : ils ont chanté In The Shallow en se dévorant des yeux.
La chanteuse était émue aux larmes en remportant le prix de la Meilleure chanson originale pour A Star Is Born. «Bradley, personne sur terre n’aurait pu chanter cette chanson avec moi, sauf toi», a-t-elle lancé à son partenaire de jeu et réalisateur, avant de terminer ses remerciements sur une note d’espoir : «L’important n’est pas de gagner, mais de ne jamais abandonner.»
Les principaux lauréats
Meilleur film: Green Book
Meilleure réalisation: Alfonso Cuarón – Roma
Meilleur acteur: Rami Malek – Bohemian Rhapsody
Meilleure actrice: Olivia Colman – The Favourite
Meilleur acteur dans un second rôle: Mahershala Ali – Green Book
Meilleure actrice dans un second rôle: Regina King – If Beale Street Could Talk
Meilleur film d’animation: Spider-Man: Into The Spider-Verse
Meilleur film documentaire: Free Solo
Meilleur film en langue étrangère: Roma
Meilleur scénario original: Green Book
Meilleur scénario adapté: BlacKkKlansman
Meilleure direction photo: Roma
Meilleur montage: Bohemian Rhapsody
Meilleure chanson originale: Shallow de A Star Is Born
Meilleure musique de film: Black Panther – Ludwig Göransson
Meilleur court métrage de fiction: Skin
Meilleur court métrage documentaire: Period. End of Sentence.
Meilleur court métrage d’animation: Bao