L’acteur américain Joaquin Phoenix a livré samedi à la Mostra de Venise (Italie) une interprétation remarquée du Joker, le célèbre adversaire de Batman, dont il a endossé le rire à l’issue d’un long travail pour réinventer le personnage.
Joker de Todd Phillips, présenté samedi soir en avant-première mondiale à la Mostra, rampe de lancement pour les Oscars, se focalise sur la figure emblématique de ce méchant. Le film explore ses origines à travers une histoire inédite, qui s’efforce de donner une nouvelle approche au genre du film de super-héros.
Au début des années 1980, à Gotham City, Arthur Fleck est clown dans la rue ou à l’hôpital, rêvant d’une carrière de comédien de stand-up, fasciné par l’émission de télévision d’un célèbre animateur (incarné par Robert De Niro). Vivant seul avec sa mère, Arthur est atteint de troubles psychiatriques qui le font régulièrement éclater d’un rire douloureux qu’il ne peut pas arrêter.
Agressé, se sentant trahi à la suite d’une série de revers, Arthur va peu à peu basculer dans la folie pour devenir le Joker, le dangereux tueur psychopathe que l’on connaît.
«L’envie de faire ce film est née du fait que nous allions aborder ce personnage à notre façon», a expliqué Joaquin Phoenix lors d’une conférence de presse à Venise.
«Donc je ne me suis pas référé à des interprétations précédentes» du Joker, a-t-il ajouté, en référence aux nombreux autres acteurs qui ont joué avant lui ce méchant au sourire inquiétant et au visage peint en blanc, de Jack Nicholson à Heath Ledger.
«C’était notre création d’une certaine façon», a ajouté l’acteur de Walk the Line, récompensé par un prix d’interprétation à Venise en 2012 pour The Master.
«Chaque jour, jusqu’au dernier, nous découvrions de nouveaux aspects de sa personnalité», a-t-il encore dit. «Je pense que je n’ai jamais eu une expérience comme celle-là».
«Quête d’identité»
Impressionnant et inquiétant à souhait dans ce rôle pour lequel il ne s’est pas économisé, l’acteur de 44 ans a dit que son premier défi avait été de perdre du poids pour incarner cet homme maladif au physique anguleux.
«Vous devenez vraiment fou quand vous perdez autant de poids en si peu de temps», a-t-il témoigné.
Il s’est ensuite documenté sur les différents profils d’assassins, avant d’en identifier un puis de s’en éloigner pour «avoir de la liberté». «Je ne voulais pas qu’un psychiatre puisse identifier de quel type de personnalité il s’agissait», a-t-il dit.
L’un des éléments clés pour interpréter ce personnage a aussi été de trouver son célèbre rire. Todd Phillips «m’a décrit le rire comme quelque chose de presque douloureux», a-t-il raconté.
«Cela m’a pris longtemps, je ne voulais pas le fabriquer, je voulais le trouver», a-t-il ajouté, expliquant avoir demandé au réalisateur de venir pour «auditionner son rire».
Cet acteur exigeant, qui excelle dans les rôles troubles, s’est dit intéressé dans ce personnage «pas seulement par son tourment, mais par sa quête pour trouver le bonheur, le contact humain, la chaleur et l’amour», avant qu’il ne bascule.
Le réalisateur Todd Phillips, davantage connu pour ses comédies, notamment la trilogie à succès Very Bad Trip, a souligné de son côté que ce personnage était avant tout au départ un homme «en quête d’identité».
«Il ne voulait pas mettre le monde à feu et à sang», a ajouté le réalisateur, qui dit avoir été influencé pour ce film par le cinéma de Martin Scorsese, mais aussi par L’Homme qui rit de Paul Leni (1928), dont le personnage est à l’origine de la création du Joker en 1940.
Le but d’Arthur Fleck, «c’était vraiment de faire rire les gens. Il pensait qu’il était sur Terre pour faire rire, pour apporter de la joie dans le monde. Puis… il a pris quelques mauvaises décisions», a-t-il ajouté.
Pour Todd Phillips, Joker parle «beaucoup du manque d’empathie dans le monde». «C’est un des grands thèmes du film, c’est sûr», a-t-il ajouté.