L’accusation revient chaque année ou presque et 2020 n’a pas fait exception: l’Académie des Oscars sélectionne des candidats majoritairement masculins et néglige les femmes dans les catégories les plus en vue, comme le dénonce le hashtag #OscarsSoMale sur les réseaux sociaux.
Cette année, les critiques se sont cristallisées autour de l’Américaine Greta Gerwig, réalisatrice du film Little Women, que beaucoup voyaient figurer dans la liste des nominations pour l’Oscar du meilleur réalisateur.
Son absence, et surtout le fait que les cinq nominations dans cette catégorie soient pour des hommes, ont suscité une vive polémique.
«Il est tout à fait remarquable qu’après tout ce qu’il s’est passé ces dernières années, l’Académie refuse de reconnaître les femmes dans de multiples catégories», s’est ainsi agacée Tema Staig, directrice de l’association Women in Media. «C’est scandaleux, et cela affecte notre capacité à raconter nos histoires et à progresser dans l’industrie», déclarait-elle au magazine Vogue.
Les plus remontées ont même appelé sur les réseaux sociaux à un boycott de la soirée des Oscars le 9 février.
Les détracteurs des Oscars mettent en avant des statistiques implacables: il aura fallu attendre 2010 et Kathryn Bigelow avec Démineurs pour qu’une femme reçoive la statuette du meilleur réalisateur. Et en 92 éditions, seules cinq femmes au total ont été en lice dans cette catégorie.
Ironie de l’histoire, la dernière en date n’était autre que Greta Gerwig elle-même, pour Lady Bird en 2018.
La preuve pour certains que l’absence de la réalisatrice dans la sélection 2020 n’est pas une mise à l’écart délibérée des femmes, mais plutôt le résultat d’une très forte concurrence avec des films à succès comme Joker, 1917, Once Upon A Time… in Hollywood, The Irishman et Parasite, qui ont déjà raflé de nombreux prix.
Little Women est par ailleurs sélectionné aux Oscars dans la catégorie du «meilleur film», la plus prestigieuse, relèvent-ils.
Pour Sasha Stone, fondatrice du site Awards Daily qui suit les prix cinématographiques depuis 20 ans, «affirmer que Gerwig a été négligée au profit de collègues masculins de moindre envergure est manifestement erroné, et je déteste utiliser ce terme mais c’est une « fake news »».
Biais systématique à Hollywood
Au-delà du cas de Greta Gerwig, tout le monde s’accorde sur le fait que l’Académie des Oscars, et plus largement Hollywood, a longtemps discriminé les femmes et peine à rompre avec ses vieilles habitudes misogynes.
«C’est perturbant mais pas surprenant que les réalisatrices n’obtiennent toujours pas le respect et les récompenses qui vont aux réalisateurs», estime Melissa Silverstein, fondatrice du site Women and Hollywood et directrice du festival du film Athena. «Le problème c’est le système et la culture», assure-t-elle.
«Bien sûr, il ne fait aucun doute qu’il existe un biais systématique lié au sexe dans l’industrie du film», renchérit Sasha Stone, qui pointe en particulier du doigt le collège des réalisateurs – seuls à voter pour leur catégorie aux Oscars – «qui a toujours été un club de garçons».
«Pendant des décennies, ses membres ont été les hommes nommés pour les Oscars et les hommes qui les gagnaient», résume-t-elle.
L’évolution est lente mais les choses changent depuis que l’Académie a décidé en 2016 d’élargir le recrutement de ses nouveaux membres pour répondre aux critiques sur la sous-représentation des femmes et des minorités, augmentant de 35% les effectifs des votants (environ 8500 actuellement).
«Nous avons regardé la liste de nos membres et nous nous sommes demandés « Qui n’avons-nous pas inclus? Qui doit être là? »», a expliqué au site spécialisé The Hollywood Reporter Lorenza Munoz, responsable des membres de l’Académie des Oscars.
La composition est encore à 68% masculine et à 84% blanche, insistent ses détracteurs, mais pour la première fois de l’histoire, les femmes ont représenté la moitié des nouvelles recrues intégrées en 2019.
Et surtout, même en l’absence de Greta Gerwig, les femmes n’ont jamais été aussi présentes dans les nominations aux Oscars: 65 sur 209 candidats au total, comme l’a souligné l’Académie.
En plus de la catégorie «meilleur film», Greta Gerwig est ainsi également en lice pour le scénario des Little Women, et 9 des 24 producteurs sélectionnés sont des femmes.
Quelques-uns des films les plus attendus de 2020 seront par ailleurs réalisés et/ou produits par des femmes, comme Wonder Woman 1984, Mulan ou Veuve Noire.
«Nous avons fait de grands pas et nous devons continuer à aller de l’avant: continuer à écrire, continuer à fabriquer, continuer à faire. Tout est là», résume Greta Gerwig elle-même.