La 45e cérémonie des César se tient vendredi soir sous haute tension, sur fond de réformes attendues et de vives protestations contre les 12 nominations du J’accuse de Roman Polanski, qui a annoncé qu’il ne s’y rendrait pas.
La grand-messe annuelle du cinéma français débutera vers 21h00, présidée cette année par l’actrice Sandrine Kiberlain, avec l’humoriste Florence Foresti en maîtresse de cérémonie. Elle s’annonce agitée.
Illustration de ce climat explosif, elle sera précédée dès 18h00 par un rassemblement à l’appel d’associations féministes, dont #NousToutes et Osez le féminisme, pour protester contre les nombreuses nominations du film J’accuse de Roman Polanski.
Thriller historique sur l’Affaire Dreyfus, J’accuse figure parmi les principales oeuvres nommées pour ces récompenses annuelles du 7e Art français.
À ses côtés figurent notamment le film de Ladj Ly sur les banlieues Les Misérables (12 nominations aussi et grand favori pour le César du meilleur film) et Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma, qui en compte dix.
Une place de choix donnée à Roman Polanski, que les féministes et une partie de l’opinion publique jugent inacceptable en pleine ère post #MeToo, alors qu’il est visé depuis novembre par une nouvelle accusation de viol.
Le réalisateur franco-polonais de 86 ans est toujours poursuivi aussi par la justice américaine pour relations sexuelles illégales avec une mineure en 1977.
Deux mondes
Un collectif de militantes féministes, baptisé la «contre-Académie des César», a déjà diffusé jeudi sur les réseaux sociaux une «contre-cérémonie» pour remettre «aux Tocards du cinéma français, des récompenses telles que le César de la pédocriminalité, de l’impunité, ou de la misogynie», ont-elle expliqué.
Dans ce climat de tension, Roman Polanski a annoncé jeudi qu’il ne se rendrait pas à la cérémonie.
«Depuis plusieurs jours, on me pose cette question: viendrai-je ou ne viendrai-je pas à la cérémonie des César. La question que je pose est plutôt la suivante: comment le pourrais-je?», a indiqué le cinéaste dans un texte transmis jeudi à l’AFP, affirmant que «des activistes le menacent déjà d’un lynchage public».
L’équipe du Portrait de la jeune fille en feu, largement féminine, devrait de son côté être massivement au rendez-vous, lors de cette soirée qui devrait voir s’affronter symboliquement deux mondes.
Le renouveau sera incarné notamment par Adèle Haenel, nommée pour le César de la meilleure actrice, devenue l’icône d’un nouvel élan de #MeToo en France depuis qu’elle a accusé en novembre le réalisateur Christophe Ruggia d’«attouchements répétés» quand elle était adolescente.
Affichant la couleur, celle qui avait créé un séisme dans le cinéma français à l’automne avec son témoignage, a estimé lundi dans une interview au New York Times que «distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes».
Une seule réalisatrice sacrée
À ses côtés, la réalisatrice Céline Sciamma, très impliquée dans le collectif 50/50 pour l’égalité dans le cinéma, pourrait créer un moment d’Histoire aussi en raflant le César de la meilleure réalisation.
Il a été remporté seulement une fois par une femme, Tonie Marshall pour Vénus Beauté (Institut), il y a tout juste vingt ans.
Cette soirée devrait aussi être celle du début d’une renaissance pour l’institution des César, secouée ces dernières semaines par une grave crise de fonctionnement.
Un vent de révolte, émanant de personnalités du cinéma, avait soufflé depuis la mi-janvier pour critiquer l’opacité, le manque de démocratie, de diversité et de parité de la direction de l’Académie des César.
Cette fronde avait conduit, à la mi-février, à la démission en bloc de son conseil d’administration, présidé depuis 2003 par Alain Terzian.
À deux jours de la cérémonie, une présidente par intérim des César, Margaret Menegoz, a été nommée, et le Centre national du cinéma (CNC) a annoncé qu’une assemblée générale extraordinaire se tiendrait le 20 avril pour adopter de nouveaux statuts.
En attendant, signe du malaise de cette 45e édition, aucun César d’honneur, généralement attribués à des stars hollywoodiennes, n’a été annoncé cette année.
Selon Le Parisien, l’acteur américain Brad Pitt aurait donné son accord dans un premier temps, avant de se rétracter.